Nous ne voyons cependant apparaître Champagneux dans les lettres de Madame Roland qu’en 1790 (voir lettre 350). Mais ce que nous venons de raconter prouve que leurs relations étaient bien antérieures. C’est chez lui d’ailleurs qu’elle accourt aux nouvelles en août 1790 (voir lettre 370) lorsque, apprenant au Clos que Roland est accusé d’avoir fomenté l’émeute du 26 juillet, elle se rend à cheval à Lyon pour sortir d’inquiétude.
Les services désintéressés que Champagneux rendait à la cause démocratique (il versait dans la caisse de la Société philanthropique tous les bénéfices de son journal[1]), — et que ne compensait pas l’extension de son cabinet d’avocat[2], — lui avaient acquis une légitime popularité. Néanmoins, en octobre 1790, sa santé affaiblie par cette rude campagne de quatorze mois le décida à remettre le Courrier de Lyon en d’autres mains et à se retirer aux champs. C’est là que la reconnaissance de ses concitoyens vint le chercher. En même temps qu’il était nommé juge de paix de Bourgoin, mandat qu’il n’accepta pas, il était élu officier municipal de Lyon (26 novembre 1790. Wahl, p. 266). Il était, comme Madame Roland, de ces natures que le succès ressuscite. Il revint aussitôt prendre une part active aux travaux de la municipalité lyonnaise.
Nous ne pouvons entrer ici dans le détail du rôle actif, courageux et intelligent qu’il eut à Lyon durant près de deux années (novembre 1790-septembre 1792). On le trouvera retracé, avec tous les développements nécessaires, dans le remarquable ouvrage de M. Maurice Wahl[3], et Champagneux l’a résumé lui-même dans ces mémoires justificatifs de 1793 et 1796[4] que nous avons déjà cités. Membre du Comité de police, membre du Comité des finances, il est chaque jour sur la brèche pour contenir les malveillants et les conspirateurs, apaiser les émeutes, réorganiser les finances de la ville que l’ancien régime avait laissées dans un complet désarroi, nécessairement accru par les réformes et par l’arrêt des affaires. Nul plus que lui, dans ces temps difficiles, n’a bien mérité de la cité[5].
Il existe, au ms. 6241, plus de cinquante lettres de Roland à Champagneux (sans parler des douze lettres de Madame Roland que nous publions). L’inspecteur, officier municipal de Lyon comme Champagneux, envoyé à Paris par la ville pour la mission que nous avons dite (Avertissement de l’année 1791), écrivait presque tous les jours à son collègue pour le tenir au courant de ses démarches et des affaires de la capitale. Ces lettres, rédigées à la diable, mais sincères et pleines de faits, sont un document pour l’histoire de Lyon à cette époque.
En septembre 1791, Champagneux est nommé membre du tribunal de police correctionnel. Mais il passe bientôt à des fonctions plus importantes : le 7 décembre il est élu substi-
- ↑ Ms. 6241, fol. 188.
- ↑ Telle cause lui était retirée, parce que, lui disait le procureur de son client, « depuis que vous avez publié un journal, votre nom fait frissonner certaines personnes ». Papiers Roland, ms. 6241, fol. 188 ; cf. le Courrier de Lyon du 25 mars 1790.
- ↑ Les première années de la Révolution à Lyon, 1894, passim. — Voir particulièrement les pages 352 et suivantes.
- ↑ Ms. 6241, fol. 190.
- ↑ Ce sont les termes dont se servit le Conseil général de la commune de Lyon (ms. 6241, fol 171) en lui accusant réception de sa démission de procureur de la commune en septembre 1792.