Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/155

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modèles ; que tu dois parler en homme qui sent sa dignité, que tu le peux à un prince philosophe, et que, si je me trompe à l’égard de ce dernier, c’est tant pis pour lui[1].

Il ne serait vraiment pas à propos de répandre à ce moment les brochures ; sans doute, il y faudra voir à deux fois avant de le faire, même plus tard. Je suis en peine de savoir le résultat de ta conférence avec M. de Montaran[2] ; tout ceci me porte plus que jamais au projet de la retraite ; elle me présente une tranquillité dont je suis avide de te voir jouir. J’aurai du plaisir à te considérer, ayant fourni avec distinction une carrière laborieuse, planter là ministres, affaires, places, Académies, sots et sottises, et te rire d’eux tous, en faisant faire tes vendanges. Mais, comme tu le dis fort bien, il ne faut pas perdre la tête, et je ne vois rien dans tout cela pour l’égarer. Le pis est que Mlle  de la Bl. [Belouze] ne puisse t’aider[3] ; c’est une ressource de moins qui augmente beaucoup les difficultés : tu es fait pour être toujours dans le cas de l’audaces fortuna juvat. Au milieu de ces misères, je compte pour un plaisir sensible la délivrance de la permission[4], et le sentiment des disgrâces ne diminue pas pour moi celui de cette jouissance. Il faut pourtant s’attendre encore à la petite guerre : friponries des libraires, insolences des journalistes, critiques de toutes les sortes, que sais-je encore ?… Mais tout cela n’est pas effrayant, et je compte bien que nous nous eu moquerons plus d’une fois en tisonnant notre feu.

Je t’envoie une lettre de Caen qui me paraît du bonhomme que tu as travaillé à soustraire aux caprices de l’Inspecteur[5]. J’en ai reçu une

  1. Il s’agit de la lettre au roi de Prusse. — Voir ci-dessus, lettre du 18 novembre 1781.
  2. M. de Montaran, un des quatre Intendants du commerce, dont Roland relevait pour « les Manufactures de toiles et les toileries » (Almanach royal de 1783, p. 214)
  3. « Mlle  de la Belouze ne voit plus et ne peut rien », avait écrit Roland le 18 novembre.
  4. La permission de M. de Néville, directeur de la librairie, de mettre en vente les Lettres d’Italie, imprimées depuis plus d’un an. « J’ai la permission de M. de Néville et j’ai agi en conséquence » (lettre de Roland du 18 novembre).
  5. Voir lettre du 25 juillet 1781. — L’in-