Aller au contenu

Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1553

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’abord employé dans les bureaux du ministère, s’était engagé en mars 1793, à 19 ans, pour aller combattre à l’armée du Nord, et venait, après la capitulation de Valenciennes, d’être envoyé à l’armée qui marchait sur Lyon. Quant à Mme Champagneux, restée d’abord à Lyon avec deux de ses filles, elle en était sortie prudemment dès le 3 juillet, après l’insurrection déclarée de la ville, et s’était retirée à Bourgoin, où elle avait donné asile dans sa maison aux patriotes de Lyon persécutés et fugitifs[1]. En août, en apprenant l’arrestation de son mari, elle accourut à Paris, mais pour tomber aussitôt malade « d’une maladie grave qui la tint plus de trois mois aux portes du tombeau » (ms. 6241, fol. 165).

Sa famille dispersée, sa fortune compromise (on avait mis ses meubles de Lyon sous les scellés), ses illustres amis frappés les uns après les autres, sa captivité prolongée indéfiniment, tout semblait se réunir pour accabler Champagneux. Il supporta cependant ces revers avec assez de philosophie. Enfin, quinze jours après le 9 thermidor, la liberté lui fut rendue.


§ 5. Retour à Bourgoin.

Il se retira aussitôt avec tous les siens à Bourgoin, où sa présence était bien nécessaire. « J’y passai, dit-il, quinze mois, uniquement occupé des soucis de l’agriculture. » Le 8 novembre 1795, il était élu agent municipal de Jallieu[2], et membre, en cette qualité, de la municipalité du canton de Bourgoin (Fochier, p. 325-327). Mais déjà il était reparti pour Paris, « où j’étais appelé, dit-il, par les pressantes sollicitations de quelques amis », c’est-à-dire où il voulait voir si le Directoire, en s’installant et en organisant ses ministères et ses bureaux, n’avait rien à lui offrir. D’après son récit, le Directoire aurait hésité un instant, pour le ministère de l’intérieur, entre Benezech et lui. En tout cas, Benezech, une fois nommé, lui offrit de reprendre au ministère la direction du premier bureau, comme aux temps de Roland et de Garat. Il accepta, et envoya à Jallieu sa démission d’agent municipal (Fochier, p. 333).


§ 6. Retour au ministère. — Novembre 1795-Septembre 1797.

Il ne paraît pas que Champagneux, au sortir de sa prison, pressé de courir en Dauphiné mettre ordre à ses affaires, se fût occupé de la fille de Roland. C’est Bosc qui avait veillé sur l’orpheline. Mais lorsque le bon naturaliste, épris de sa pupille, commençant à comprendre qu’il n’était pas payé de retour, songea à s’expatrier, nous voyons apparaître Champagneux avec sa froide raison. Bosc avait quitté Paris dans les premiers jours de juillet 1796, laissant Eudora Roland à Rouen, chez les demoiselles Malortie. Champagneux, auquel il semble avoir dès lors transféré, en même temps qu’à Creuzé-Latouche, la tutelle de la jeune fille, lui avait promis de le tenir au courant de ce qu’elle pourrait vouloir ou

  1. Elle écrivait à son mari, de Bourgoin, le 13 juillet : « On a dû juger hier le pauvre Chalier. Dieu veuille que l’on mette cette ville [Lyon] à la raison : » (ms. 6241, fol. 171-174).
  2. Jallieu est une commune limitrophe de Bourgoin, et les deux chefs-lieux sont tellement juxtaposés, qu’il n’y a en rélisté qu’une rue qui les sépare.