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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1561

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Appendice P.



BRISSOT.

§ 1er.

Il s’agit uniquement ici de noter l’origine et de marquer la nature des relations entre Brissot et les Roland. La vie du courageux publiciste et de l’honnête homme si calomnié reste à faire. Cet Appendice pourra y être une utile contribution.

Dans le livre de Brissot et de Clavière, publié aux premièrs mois de 1787, De la France et des États-Unis ou de l’importance de la révolution de l’Amérique pour le bonheur de la France (1 vol. in-8o), Roland était cité en plusieurs endroits ; ici[1], c’était un passage des Lettres d’Italie ; plus loin[2], c’étaient des extraits du Dictionnaire des manufactures, accompagnés d’éloges très vifs : « Une saine logique, un patriotisme courageux, une raison exercée caractérisent ses écrits. Il voit les causes du mal, et, ce qui est plus rare, il a le courage de les publier. Son style rêche, mais énergique, décèle une âme trop profondément frappée des abus pour s’occuper des mots. Voilà les hommes précieux qu’on devrait encourager… On a traité M. de La Platière de tête exaltée. Ce nom ne doit pas l’offenser… » Ailleurs, Brissot regrette que tous les volumes de l’Encyclopédie méthodique ne soient pas écrits « avec l’énergie et les lumières qui brillent dans ceux rédigés par M. de La Platière… »

En même temps, Brissot écrivait à Roland, qu’il ne connaissait que par ses écrits, et lui promettait l’envoi de son livre. Puis, avec sa négligence ordinaire, il oubliait. L’auteur de province, qui jusqu’alors n’avait pas été gâté par les critiques, et qui attendait avec impatience les louanges annoncées, s’informait auprès de Bosc[3] ; « Ce Brissot de Warville m’a écrit, m’a annoncé le bien qu’il avait dit de moi, m’a offert de me faire passer son ouvrage ; j’ai accepté, j’ai plus fait : je lui ai écrit une lettre très honnête[4] ; il y a de cela plus de trois ou quatre mois. Je n’en ai plus eu de nouvelles. Je ne voudrais pas acheter son ouvrage. Je voudrais pourtant bien savoir ce qu’il dit de moi, ce qu’on dit et pense de son ouvrage, et singulièrement s’il se sert de l’expression de style rêche… ».

Puis, huit jours après (Ibid., 11 juin) : « Je ne suis pas d’avis de récrire à Brissot, je ne concilie point assez la démarche avec son silence ; il faut voir ce que cela deviendra. J’avais bien entendu rêche et non pas riche ; c’est que l’expression n’est pas noble, ni du bon style… ».

Mais, à ce moment même, Roland recevait enfin l’exemplaire annoncé et en accusait ré-

  1. Page 77 de la réimpression de 1791.
  2. Pages 167 et 171, id..
  3. Lettre du 4 juin 1787, collection Alfred Morrison.
  4. Le 29 avril.