Aller au contenu

Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1587

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

§ 4.

Tandis que Madame Roland rentrait en Beaujolais (8 septembre 1791). Buzot, de son côté, retournait à Évreux, le 21 octobre (Vatel, II, 330). L’Assemblée constituante n’était plus, et il avait préféré à ses fonctions de vice-président du tribunal criminel de Paris celles de président du tribunal criminel d’Évreux.

Il y demeura jusqu’au moment où, ayant été élu, le 2 septembre 1792, député de l’Eure à la Convention, il vint prêter serment et prendre séance (20 septembre). Il resta donc plus d’une année éloigné de Madame Roland. Quand à la revit, Roland était pour la seconde fois ministre de l’intérieur. Mais si par le fait même de cette séparation, la liaison n’avait pu changer encore de caractère, du moins une correspondance suivie l’avait-elle resserrée et fortifiée. « Nous restâmes, dit Madame Roland en parlant de cette période, en correspondance avec Buzot et Robespierre ; elle fut plus suivie avec le premier ; il régnait entre nous plus d’analogie, une plus grande base à l’amitié et un fond autrement riche pur l’entretenir… » (Mém., I, 66.) Qu’est devenue cette correspondance de 1791 à 1792 ? Nous dirons plus loin pour quelles raisons nous la croyons perdue à jamais. Mais il semble que nous puissions nous en faire une idée par les lettres à Bancal des Issarts : d’abord, un échange d’impressions sur les événements du jour, entremêlées aux nouvelles du ménage ; puis, en mars 1792, les lettres triomphantes annonçant l’entrée au ministère ; du 13 juin au 10 août, les ressentiments contre la Cour, enfin, en septembre, les cris d’indignation contre les massacres des prisons et la tyrannie de Paris (cf. lettres 494-499), l’appel aux nouveaux députés pour arriver promptement mettre à la raison la « folle Commune ». Un mot de Duroy est significatif. Duroy était du même département que Buzot ; en septembre 1792, ils venaient d’être élus ensemble à la Convention ; Buzot lui montra une de ces lettres, et Duroy s’en souvint le 13 juin 1793, dans la séance où Buzot fut décrété d’accusation : « L’incivisme manqué de Buzot, dit-il, date du 13 septembre [1792] ; à cette époque, il reçut une lettre de la femme Roland (on rit) ; il m’en donna lecture ; la femme Roland se plaignait de ce que la Commune révolutionnaire de Paris avait lancé un mandat d’arrêt contre le vertueux Roland… Elle exposait les dangers que courait son mari et disait que le seul moyen de le sauver était de le faire nommer député à la Convention. À partir de ce moment, Buzot s’était déclaré contre la ville de Pari… ». (Compte rendu du Moniteur du 15 juin.)


§ 5.

Duroy disait vrai. C’est le 21 septembre que la Convention tint sa première séance, et, dès le 24, Buzot demandait et faisait voter, à la presque unanimité, trois résolutions : l’une réclamant un rapport sur l’état de la République et de la capitale ; l’autre, un projet de loi contre les provocateurs au meurtre et à l’assassinat ; la troisième, un projet pour mettre à la disposition de l’Assemblée une force publique, prise dans les quatre-vingt-trois départements. Cinq jours après, dans la séance du 29 septembre, où l’on discuta si les ministres du Dix août seraient invités à rester en fonctions, Buzot se déclara ardemment en faveur de Roland : « Malgré les murmures, les calomnies, les mandats d’arrêt, je suis fier de le dire,