Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1613

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nière ; que, pendant que Roland était ministre de l’Intérieur, elle était attachée à sa maison comme fille d’office et qu’en cette qualité elle ne peut avoir eu aucune connaissance particulière des liaisons plus ou moins intimes que Roland et sa femme peuvent avoir eues avec plusieurs membres de la Convention : quelle sait seulement, pour avoir ouï dire, que les députés qui ont subi leur jugement, ainsi que ceux qui sont en fuite, venaient habituellement chez lui. Est tout ce qu’elle a dit savoir. Lecture faite de sa déclaration, a persisté et a signé, etc… » (Arch. nat. W 294, dossier 227, cote 27 ; Mémoires, I, 419.)

Le lendemain, Madame Roland était condamnée, et exécutée dans l’après-midi. Le soir, Fleury, rentrant au logis de la rue de la Harpe, laisse éclater sa douleur dans la loge du concierge Lamarre ; il y avait là des voisines, la femme Dorigny, femme d’un cordonnier demeurant dans la maison ; Victoire, domestique chez le médecin Géraud[1] ; un autre locataire, etc… La femme Dorigny cherchant à la consoler en lui disant « qu’elle trouverait d’autres maîtres », la pauvre fille, exaspérée, répond : « On a fait bien des injustices, mais vous verrez dans six mois ! » Victoire reproduit le propos en l’aggravant ; Fleury aurait dit « que sa maîtresse avait été condamnée injustement et que l’on verrait sous six mois ». Elle s’était d’ailleurs retirée sans en dire davantage.

Par malheur pour Fleury, ces propos arrivèrent au citoyen Tisset.

François-Barnabé Tisset, demeurant rue de la Barillerie, n° 13, avait été un des agents de ce redoutable Comité de surveillance qui, institué le 14 août 1793 par la Commune du 10 août, porte la responsabilité de tant de méfaits. Chargé par lui, le 23, d’aller saisir les papiers, valeurs, numéraire, bijoux, etc., de Septeuil, trésorier de la liste civile de Louis XVI, il s’était fait délivrer, les 27 et 30 août, deux récépissés des paquets sous scellés qu’il avait remis au Comité. Mais, deux mois après, il dénonçait le Comité à Roland, pour avoir levé les scellés hors de sa présence :

« Le sieur Tisset a vu, vers le 24 ou 25 octobre, en présence du sieur Morisson, secrétaire de Septeuil, les objets contenus dans le carton du récépissé du 30 août, depuis la levée du scellé qui avait été faite sans lui ; cette levée s’est faite malgré l’apposition du cachet des citoyens Tisset et Delahaye [particulier chez lequel on avait saisi un des dépôts de Septeuil].

« Le citoyen Tisset observe que, sans lui, ont été également levés les scellés des effets du récépissé du 27 août, quoiqu’il y eût son cachet et celui du citoyen Puteau, domestique de Septeuil.

« Le citoyen Tisset ne sait pas si ces effets ont été conservés ou non[2]. »

Cette déclaration, produite par Roland à l’Assemblée avec toutes les pièces accompagnant son célèbre rapport du 29 octobre 1792, où il dénonçait les malversations du Comité de

  1. C’est chez ce médecin que Dulaure, décrété d’accusation le 3 octobre, mais fugitif, alla chercher asile pour la première nuit. (Mém. de Dulaure, éd. de 1862, p. 299.) Dans le dossier des Archives, il est désigné sous le nom de Giroux. Mais Dulaure l’appelle Géraud, et c’était bien son vrai nom (Alm. nat. de 1793, p. 301).
  2. Papiers Roland, ms. 6243, fol. 200-202, contenant copie certifiée des deux récépissé délivrés à Tisset les 27 et 30 août, et de la déclaration ci-dessus. Cf. Tourneux, 6218.