Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/162

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plein de cet auteur, tu le cites et le loues fréquemment. Il dit, en parlant d’un groupe auquel on a donné le nom de Papirius et de sa mère, que ce nom a induit Dubos[1] en erreur, qu’il trouve dans la physionomie du jeune homme un sourire malin dont, à la vérité, il n’y a aucun trait. Winckelman ajoute que ce groupe représente plutôt Phèdre et Hippolyte ; que ce dernier montre sur son visage la consternation où le jette la déclaration d’amour d’une mère ; que Menelaüs est le maître qui a fait cet ouvrage et que les artistes grecs prenaient leurs sujets dans leur propre mythologie ou roman héroïque, etc. Toi, après avoir décrit les beautés que renferme le Muséum du Capitole, et celles que présentent plusieurs Ville, tu dis : « Je reviens au groupe de l’Amour et Psyché pour vous parler de celui de Papirius et de sa mère, qui en est proche. L’avide curiosité est peinte, etc… » Est-ce du même groupe dont Winckelman a prétendu relever la fausse dénomination que tu parles ainsi ? J’en ai quelque doute, parce que cet auteur le place dans la vigne Ludovisi ; et que toi, sans désigner sa place, tu porterais à croire qu’il est au Muséum. D’un autre côté, y aurait-il deux groupes semblables ? Je n’en crois rien, puisque, dans l’un et l’autre avis, il ne s’agit que d’un seul qui a donné lieu à l’erreur. Que faire ? Ce sera un gâteau dans la gueule de Cerbère. Je fais des recherches dans cet auteur, et je prends plus que moins ; mais tu as déjà fait une si bonne moisson, qu’il ne me reste guère à glaner.

Ne néglige pas l’Esculape ; as-tu songé au coussin de paille d’avoine ? Il serait de saison. Je me suis mise aussi au déjeuner de cacao et je m’en trouve bien ; mais l’altération qui m’incommodait dans le courant du jour et même la nuit ne s’apaisant pas par l’usage de l’orgeat, je viens de quitter le vin à mes repas et de choisir la petite bière comme unique boisson. Je la crois rafraîchissante et bonne pour le lait, en considération duquel j’évite toute crudité et tout acide ; j’ai toujours une faim dévorante et beaucoup de chaleur dans les entrailles.

Je n’habite que ma chambre depuis ton départ ; j’ai par ce moyen

  1. L’abbé Dubos, Réflexion critiques sur la poésie et la peinture, 1719.