l’œil continuellement sur la petite, et c’est un grand bien, car celle qui la soigne a besoin d’être veillée de très près. Te souvient-il combien de fois il nous est arrivé, en mettant nous-mêmes l’enfant au berceau, de ne pouvoir l’y faire rester ? Il criait, et nous croyions toujours que c’était la colique. On appelait la bonne, elle prenait l’enfant, qui finissait ordinairement par s’apaiser assez promptement. Ces cris étaient l’effet du besoin, déjà contracté par l’habitude, d’être endormi par un petit mouvement doux et presque imperceptible qu’elle lui donnait en le tenant sur les bras ou, lors même qu’il était couché, en passant la main sous lui. La découverte de cette manœuvre m’a outrée ; j’ai parlé net, on a pleuré, on a trouvé que je mettais aisément le marché à la main, l’on a promis de n’y plus retourner. Il m’a fallu avoir le courage, durant deux ou trois jours, de laisser l’enfant crier, chaque fois que je le faisais coucher, un quart d’heure, plus ou moins. On ne peut se fier pour rien sur cette gent mercenaire ; l’attachement qu’elle vous témoigne n’est que machinal, s’il n’est un jeu ; et cette partie de l’espèce que j’aimais à voir d’un bon œil, parce qu’il est dans un état de souffrance, ne vaut rien non plus que l’autre.
Il m’est arrivé une lettre d’Abbeville que je t’enverrai ; j’en ai reçu une de Rouen que Mlle Mal[euvre] t’adresse pour témoigner la part qu’elle prend à ta paternité ; du moins, c’est l’honnête prétexte qu’elle emploie pour avoir occasion de nous conter ses embarras. Sa nièce est reçue maîtresse ; mais elle a souffert un déménagement et doit en faire encore un autre, parce qu’il faut être en boutique, et qu’elle n’en avait pas encore trouvé. Je crois qu’il serait bon d’ajouter un louis à ce que tu comptes lui envoyer ; je puis faire cela sur la dépense du mois prochain.
Il est venu de Quiry[1] un certain Lucas, foulon ; il m’a conté beaucoup de choses concernant les bureaux, les marques, etc., aux-
- ↑ Quiry-le-Sec, village à 14 kilomètre de Montdidier.