Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/167

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Tu as présentement quittances et lettres ; j’ai reçu toutes les tiennes et notre correspondance prend le bon train.

La résolution de l’abbé Desh[oussayes][1] est digne de lui ; je n’imagine pas d’expressions qui rendent mieux ce que j’en pense et ce qui en est réellement.

Vous voyez, Monsieur, que les gens du Musée ne sont pas de l’autre monde. Comment cela serait-il ? diras-tu, à moins qu’ils ne fussent les mauvais anges. Pourtant, je suis un peu raccommodée avec eux ; tant il est vrai que la politesse est une belle chose !… M. Menelle [Mentelle][2] me paraît figurer là convenablement ; je veux dire que ce théâtre lui convient. Pour toi, c’est un spectacle auquel autant vaut assister qu’à un autre.

Notre Achate est donc bien rêveur[3] ; cela ne m’étonne pas ; dis-lui bien des choses pour moi.

Je voudrais causer plus longtemps, mais je songe que je ressemble à ces donneurs d’audience qui débitent gravement des balivernes pendant qu’on les attend, en respectant leurs conférences qu’on suppose de grande conséquence. Je t’embrasse à tort à travers, en attendant mieux.

  1. Il venait de donner sa démission de bibliothécaire de la Sorbonne pour retourner à Rouen.
  2. Roland avait écrit à sa femme, en lui rendant compte de ses courses à travers Paris : « … de là, chez M. de la Blancherie (aux assemblées littéraires qui se tenaient chez cet ancien amoureux de Marie Phlipon)… j’y ai trouvé M. et Mme  Mentel ; excessifs compliments ; de tes nouvelles ; invitations, etc. » — Nous consacrerons une notice spéciale (Appendice S) à cet ami de Brissot, qui fut, aux mauvais jours de septembre et octobre 1793, le confident et le consolateur de Madame Roland. Bornons-nous à mentionner ici qu’il était alors professeur de géographie à l’École militaire et qu’il allait devenir un des collaborateurs de Roland, en se chargeant du Dictionnaire de géographie ancienne pour l’Encyclopédie méthodique, 3 vol. in-4o.
  3. Roland écrivait : « Mon camarade va à ses cours ; nous nous voyons matin et soir, ordinairement à dîner ; il est toujours rêvant, sans trop dire ni trop savoir à quoi ; il faut souvent le provoquer, le heurter ; puis il va. Mais il avait grandement raison de dire qu’il avait besoin d’être poussé… »