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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/245

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première annonce, quoiqu’elle acceptât, et je lui avais dit de faire ses réflexions, parce que je ne voulais pas qu’on remplit ses devoirs de mauvaise grâce. Elle ne me plaisait guère, et je n’y ai nul regret ; mais il n’est guère amusant non plus d’avoir à chercher de cette engeance : c’est un mal nécessaire.


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[À ROLAND, À PARIS[1].]
Dimanche au soir, 20 janvier 1782, — [d’Amiens. ]

J’ai le cœur encore tout gros d’un méchant raisonnement que tu m’as fait ; je devrais dire d’une injure. Je palpitais de surprise et d’inquiétude en lisant ce que tu m’écris dans la petite feuille, après la citation de Crespy ; je suis venue à la lettre du frère, j’y ai vu l’extrait informe d’une, écrite par moi il y a bientôt trois semaines, dans le moment où l’état critique de ma fille m’agitait le plus et où je t’en entretenais avec bien plus de détails et de tristesse que je ne marquais au Crespysois ; et c’est d’après ce qu’il te rapporte aujourd’hui de mon style d’alors, que tu argues pour justifier une nouvelle méfiance et m’annoncer que désormais tu ne me croiras guère. Tiens, j’ai fait un mouvement pour jeter sa lettre au feu ; puis j’ai vu que c’était toi qui avais tort, et j’ai pleuré ; comme une sotte, il est vrai, car enfin c’est une erreur de calcul, et tu me jugerais mieux sans doute si tu n’avais pas mal compté. Avec tout cela, je ne puis relire tes lignes d’un œil sec, par l’idée qu’elles me donnent que tu conserves le germe d’un chagrin mal fondé.

Puisque j’en suis aux doléances, il faut épuiser le chapitre. Sempre qualche nuovo tormento ; c’est l’histoire de chaque jour. Ma fille se porte bien, mais elle a, par le malheur des circonstances, contracté des habitudes qu’il ne faut pas lui laisser et qui ne sont point aisées à

  1. Ms. 6238, fol. 200-204.