l’application. Tous ces gens-là me guériront bien de raisonner, car je vois que les plus habiles n’ont pas le sens commun quand on les rapproche des faits. Mon enfant crie, souffre et s’agite parce qu’il semble avoir trop pris ; il rend avec douleur, et cela n’est pas fini qu’il cherche à reprendre et irait aux convulsions, si l’on s’obstinait à lui refuser comme j’ai voulu le tenter. Je désire le régler, mais je demande qu’on m’apprenne comment il faut s’y prendre ; si les marques du besoin sont équivoques chez l’enfant, s’il a un appétit immodéré qu’il faille refréner, quelle proportion doit-on garder ? Qu’est-ce qui saura déterminer précisément la dose nécessaire à cet enfant, dose qui doit varier avec les tempéraments ? D’après l’étude que je fais des crises de ma petite, de son avidité, etc., j’ai eu le soupçon qu’elle avait peut-être déjà des vers : soupçon que je n’aurais pas si elle n’eût encore pris que mon sein. Cette idée me tourmente et j’envoie chercher pour demain M. d’Hervillez ; quoique j’attende fort peu de sa science, et bien moins de son expérience (ce qui est beaucoup dire), je causerai avec lui ; mon idée n’est peut-être pas si impertinente qu’elle peut paraître, et il est sans doute quelques vermifuges propres a communiquer à mon lait leur qualité, et que je pourrais prendre sans m’incommoder.
Je suis persuadée que tous les traitements dont un enfant à la mamelle peut avoir besoin doivent être faits à la nourrice ; aussi je m’observe sur le manger ; comme je suis d’un grand appétit, je prends garde à ne pas aller trop loin et à retenir l’imagination si elle venait à la place du besoin, dans la crainte de communiquer cette disposition ou ce défaut à l’enfant. En vérité, en y regardant de près, une nourriture est un cours de morale, et je crois que plusieurs femmes font bien de ne s’en pas mêler.
Si tu trouves quelque docteur qui ait suivi les enfants, étudié ce qui leur convient, tâche d’en tirer quelques lumières pour moi : je me sens ignare, et je pense qu’il faut bien plus d’attentions et de soins d’une certaine espèce, pour les gouverner convenablement, qu’on n’a coutume de le croire. Bonsoir, mon ami, je vais souper ; huit heures sonnent.