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Mardi 29, à dix heures et demie.

Je sors de mon lit ; je n’ai fait ma nuit qu’au matin ; l’enfant a crié jusqu’à deux heures, je lui avais donné le sein à onze. Il est demeuré éveillé, inquiet ; à minuit et demi, il a fallu lui donner un peu de panade très légère ; cet aliment l’a rendu tranquille pour une demi-heure, puis les cris ont recommencé jusqu’à deux heures qu’enfin le sommeil est venu. Réveillé entre quatre et cinq, il a vidé, pris le sein durant plus d’une heure ; après quoi, nous avons bien reposé tous deux jusqu’à neuf et demi. J’ai donné le sein de nouveau, mangé ma soupe, et je me lève enfin pour continuer ma petite vie. La bonne a été longtemps sur pied ; j’ai été obligée de la prendre dans ma chambre où je la fais coucher sur les sangles du petit lit, mais avec son matelas ; les tiens étant ôtés et remis pour le jour seulement.

J’attends le docteur, peu docte, dans la journée ; nous verrons.

Je reçois ta lettre du dimanche[1] en réponse à mes inquiétudes ; tu vois que je ne suis pas servie plus lestement que toi et que la poste nous fait également attendre. Tu traites ta santé fort légèrement et tu en parles de même, ce que je ne trouve pas si plaisant. Quant à moi, plaisante tant que tu voudras, rappelle toujours, s’il te plaît, la vieille querelle de ne pas t’avoir dit assez tôt ma maladie, trouve mes raisons mauvaises, j’avoue que tu en as de bonnes pour tout cela ; mais aie soin de toi et songe à mes inquiétudes, assez-seulement pour ne pas les justifier.

Je croyais bien t’avoir dit que le relieur m’avait apporté au jour par moi fixé les 22 exemplaires[2] en question ; que je n’avais pas été contente de les trouver sans garde, que je l’avais témoigné ; qu’il avait fait le raisonneur comme si je n’eusse pas dû savoir ce qui était, disait-il, de son état, etc. ; qu’en somme, je ne l’avais pas payé, afin que

  1. Ms. 6240, fol. 149-150, lettre datée du dimanche 27, à 10 heures du matin. Une note au crayon dir « octobre 1782 » ; le 27 octobre était en effet un dimanche ; mais la simple lecture de cette lettre de Roland prouve qu’elle est du dimanche 27 janvier 1782.
  2. Des Lettres d’Italie