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épaules quand elle veut être levée du berceau. Si je la compare au nourrisson que j’ai eu, c’est une mauviette ; mais on peut être forte sans être si grosse, et je la crois passable pour ses quatre mois. Elle me connaît bien à présent, me cherche ; me sourit et paye ainsi mes soins. Ses derniers accidents me paraissent passagers ; je la juge à présent peu inquiétante et j’ai de l’espérance.


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[À ROLAND, À PARIS[1]]
Samedi 2 février 1782, — [d’Amiens.]

Je n’ai rien de nouveau à t’apprendre, mon bon ami, mais j’ai du plaisir à m’entretenir avec toi ; et, comme tu ne le trouves pas mauvais, c’est assez pour me justifier de cet emploi de mon temps. Je suis pourtant sortie aujourd’hui hors du petit cercle qui me renferme habituellement : j’ai été d’une part jusqu’au Mail[2], sans y pénétrer cependant ; et de l’autre, chez Mme d’Eu, le tout après la messe[3] ; mais à deux fois, parce que je puis revenue voir si l’enfant ne criait pas. L’air était assez doux, je me trouve bien de l’avoir un peu respiré. Tu penses bien qu’une excursion de cette espèce n’offre pas beaucoup de choses à recueillir, aussi ne me proposais-je d’autre but qu’un peu plus d’exercice que de coutume.

Je sais que Mme Dumgn [Dumaugin] n’est pas malade ; il est douteux que j’aille la voir encore, quoiqu’elle soit pourtant, après Mme d’Eu, la première que je visiterai, à raison du voisinage ; je garde les autres pour Pâques : je n’oserais quitter la petite pour plus d’une heure. Elle prend souvent, vomit encore, mais un peu moins ; j’ai suspendu la drogue parce que j’ai craint qu’elle contribuât à la relâcher ; les nuits sont passables, et nous nous en trouvons mieux toutes les trois.

  1. Ms. 6238, fol. 215-216.
  2. Le Mail d’Amiens, aujourd’hui le « boulevard du Mail », était à deux pas de la rue du Collège, où demeuraient les Roland.
  3. La messe de la Chandeleur, fête des relevailles, 2 février.