Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/296

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sera plus et que l’intérêt de ses erreurs en aura quadruplé les effets ? Et toi, auras-tu la même vigueur, la même activité, les mêmes goûts, les mêmes facultés ? Pour moi, dans aucun cas, a présent comme alors, que puis-je, si tu ne m’éclaires et ne me conduis ? Je n’entends rien à la campagne, à l’agriculture ; je puis tout devenir sous toi, et, après quelques années de ta direction, je me trouverai en état de te soulager lorsque l’âge ou les indispositions te demanderont plus de repos et moins de sollicitudes. Qu’apprendrais-je sous ton frère ? pas même ce qu’il sait. Que peux-tu m’enseigner si tu n’agis ? Enfin, est-ce ou n’est-ce pas un bien que tu deviennes maître de corriger le mal et de faire le mieux ? S’il faut moins de domestiques à la campagne, ne peux-tu pas les diminuer ? Si ton frère n’existait point, ne prendrais-tu pas un cheval, et, si tu n’en veux point aujourd’hui, ne seras-tu pas libre de t’en défaire ? Lors même que nous vivrions ici une bonne partie de l’année, n’aurions-nous pas toujours, étant dans le cas d’aller à Lyon, un domestique mâle avec notre bonne et la cuisinière ? Le surplus du ménage consiste donc réellement dans ton frère, ta mère et sa servante ; leur ménage n’est pas considérable aujourd’hui quand ils sont seuls, et nous ne cesserons pas de maintenir les choses sur ce pied. Crois-tu ton frère si répréhensible d’avoir imaginé que tu payerais volontiers cet excédent pour l’avancement de la jouissance du reste, surtout lorsque, les revenus qu’il se réserve sont destinés à éteindre, ses dettes ? Enfin, si tu vois que cela demande encore une compensation, n’est-ce pas une chose, à examiner tranquillement, pour s’en expliquer de même, s’entendre ainsi, combiner ses affaires et veiller à la prospérité commune ? Quand tu me dis : fais, et je ne m’en mêlerai non plus que pour diminuer tes fatigues, c’est un mot qui peut échapper à ta sensibilité, peiner la mienne, et, si je m’en tenais là, nous demeurerions affectés tous les deux sans rien faire qui vaille. Il s’agit de raisonner ensemble et non de se tourmenter, lorsque l’état des choses présente au contraire plus de facilités de chercher le bien.

Tu vois, mon ami, que j’y ai réfléchi plus que tu ne penses. Que veux-tu donc ? pourrais-je te demander. Parle, dis-le moi, et je tâcherai,