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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/297

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entre vous deux, de concourir à la satisfaction de tous, à la paix, au bonheur de la famille et de l’enfant. Ton frère n’y met pas l’adresse que tu lui supposes ; mets-y de la froideur et juge le tout et moi-même. Si tu étais supprimé, nous passerions ici une grande partie de l’année ; ne serait-ce donc pas un plus grand bien d’y être le principe de l’ordre que les témoins de ce que tu appelles des sottises ?


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À ROLAND, À AMIENS[1].
Du Plessier-Rosainvillers, — 6 novembre [1782], au soir.

Voilà le premier beau jour depuis que je suis ici[2] ; mais l’espérance de recevoir de tes nouvelles l’embellissait plus que le soleil, et il eût fini bien tristement si mon attente n’eût pas été remplie. J’ai trouvé ta lettre au coin du bois où nous avons rencontré le domestique arrivant de Montdidier ; la douceur de l’air nous avait engagés à la promenade, elle a été agréable. J’ai vu et foulé la pelouse tant vantée et qui mérite bien de l’être, mais je n’ai osé y faire marcher la petite ; nous l’avons tous portée tour à tour, sans excepter Monsieur de Crécy[3], qui croyait déjà tenir une petite nièce. Elle est bien portante et gaie, les accidents ont disparu. Ma santé est bonne aussi : tu crois bien que les soins et

  1. Ms. 9533, fol. 85-86. — Le Plessier-Rosainvillers, village à 13 kilomètres de Montdidier.

    La lettre ne peut être que de 1782 ou 1783. L’allusion à la débâcle de Seguin, le caissier du duc d’Orléans, montre qu’elle est sûrement de 1782 (voir Mém. secrets, 31 octobre 1782).

  2. Nous avons déjà dit (lettre 57, notes) que les frères Sénart, qui habitaient Paris, rue Quincampoix (Alm. de Paris, 1785, p. 20), avaient au Plessier-Rozainvillers une grande manufacture de bas et, comme on le voit par cette lettre, une belle résidence. Dès 1779, Roland écrivait, dans son Art du fabricant d’étoffes en laines (in-fol.) : « La fabrique de bas du Plessier, dans le Santerre, dirigée par MM. Sénart, qui se sont maintenus de père en fils dans leur état, avec une fortune très honnête, sans ambition, avec des mœurs patriarcales, et faisant beaucoup de bien sans la moindre ostentation… »
  3. Personnage inconnu.