Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/308

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n’ai qu’une chose à te répéter, ce que j’ai de faiblesse et d’un peu de malaise n’est qu’une suite des drogues, un effet de celles que je prends encore ; il n’y a là ni fièvre, ni quoi que ce soit d’inquiétant ; le lait prend son cours, je n’en ai plus dans les mamelles ; si, malgré l’état des choses, tu reviens sans aller te reposer ta huitaine a Crespy, tu me causes la plus sensible mortification que je puisse éprouver ; tu réveilles toutes mes agitations sur ta santé, sur l’effet de tes fatigues non interrompues, etc., en un mot, tu me fais du mal. Arrange-toi aussi d’après cela.

Je viens d’envoyer tes bottes à la diligence, à l’adresse de M. Lanthenas ; je les ai garnies de paille à l’endroit des éperons pour éviter que ceux-ci soient cassés. Si ce ménagement est encore inutile, du moins est-ce tout ce qu’il en peut être de pis. Il y a, dans une des bottes, un petit fouet que j’y ai attaché. M. de Bray m’avait offert l’occasion de son sellier, mais il n’arriverait que mardi : j’ai craint que l’attente te parût trop longue. Cet homme reviendra de Paris le jeudi suivant, tu pourrais lui remettre la veille quelque paquet, si tu le jugeais convenable.

Ma fille crie et foire aujourd’hui ; elle souffre des gencives ; elle ne veut pas me quitter : nous ne sommes pas gaies. Envoie-nous la paix, mon ami, elle est tout entière dans tes mains ; rétablis le calme dans ton esprit, nourris-toi de ce qui peut te faire content, nous en serons tous mieux. Je sens qu’une lettre consolante de toi fera à ma santé tout le bien qui lui manque. Cet estomac, ces autres misères qui y tiennent seront dans le meilleur état dès que j’aurai fini ces purgations et que ton bien-être me rendra l’équilibre moral que je sens altéré. Je t’embrasse avec un attendrissement inexprimable.


7 heures du soir.
Samedi.

Je reçois ta lettre et, puisque tu m’embrasses, je me console un peu ; mais je ne sais ce que tu veux dire de cachoterie à ton égard, je te dis tout ce que je peux et tu m’attristes : voilà tout ce que je sais. Je ne me porterais pas mal si l’espèce d’anxiété où [me] met l’histoire