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duction d’Aristote, et tel estimable que soit l’ouvrage, cette édition ne sera pas la nôtre ; nous n’avons pas besoin du texte grec, nous pouvons nous passer d’un in-quarto : ainsi nous attendrons un modeste in-octavo sans texte, qui probablement se fera par la suite, et nous conviendra beaucoup mieux. Je suis très aise du bien que vous nous dites de la Flore en question ; nous rangerons cet ouvrage parmi ceux de l’aimable science qui en fait l’objet, et qui fera l’un de nos plus chers délassements, lorsque nous aurons pris sans réserve la vie patriarcale.

J’accepte votre heureux augure sur ma petite Eudora, et il ne tiendra pas à moi de travailler à le justifier comme une prophétie ; je jouis du moins chaque jour du temps présent, en me rendant le témoignage qu’elle a toute la santé, tout le bonheur de son âge. Il me faut cette conviction pour m’applaudir de son existence ; il me la faudrait encore pour m’aider à soutenir sa perte, si j’avais le malheur de l’éprouver. Notre tante ne s’améliore pas rapidement. L’ami vous dirait presque que je ne suis plus bonne à voir, et que je penche sur ma tige ; il s’alarme de mon malaise comme moi de sa maigreur, et nous nous inquiétons l’un de l’autre. Contentement et la permission (sic) de manger des fraises que Linné juge si bonnes, et qui, sans être merveilleuses dans ce pays, sont ici comme partout un des plus jolis fruits à mon gré, parce qu’il flatte l’odorat autant que le goût, agrément qu’il ne partage pas avec beaucoup d’autres.

Il me semble que vous avez été obligé de fermer les yeux en consultant l’abbé. Eh mais !… ceux de sa sœur vous feraient-ils tout de bon la guerre ? Gare le petit fripon ailé qui frappe et fuit comme un voleur ! Adieu ; joie et santé.


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[À SOPHIE CANNET, À AMIENS[1].]
Lundi matin, 12 mai [1783, — d’Amiens].

Aurais-tu ou connaîtrais-tu quelqu’un qui vit le Journal encyclopédique[2] ? Il y a quelque chose que nous désirerions voir. J’ai une lueur d’espérance sur

  1. Dauban, II, 438. — M. Dauban met cette lettre en 1781, ce qui est impossible, puisque Madame Roland y parle de sa fille. D’ailleurs, c’est en 1783 que le 12 mai tombe un lundi.
  2. Le Journal encyclopédique (1756-