Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/360

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les malheureux qui ne pouvaient chier. Après avoir servi ce petit plat de son métier, fort gracieusement, maître Ancelin s’est tu. Le lourd Baron[1], le digne secrétaire, a répliqué, chapeau bas, par des encensements d’usage en l’honneur du défunt et du récipiendaire dont il a vanté l’Éloquence poétique ; mais, excepté quelques expressions aussi peu justes, aussi ridicules que celle-là, son petit discours n’était pas trop mal écrit pour une rapsodie de mensonges ; il les a heureusement terminés en disant : Vous trouverez ici, Monsieur, ce que vous y apportez aussi : des talents dont l’usage fait des vertus. On a fort applaudi ; j’aurais fait comme un autre, s’il y avait eu quelque vérité, mais je n’ai pas décroisé mes pattes.

J’ouvrais les yeux pour deviner qui allait parler : je ne connaissais autour de cette table que l’emphatique Rousseau[2] le bonhomme du Liège[3], le gros Maugendre, le malin Boitel[4] ; je voyais un petit augustin bien effronté, un gros visage que je n’osais caractériser parce que j’y trouvais par moments la singularité qui annonce parfois de l’esprit, quelques autres figures sans physionomie ; le paisible d’Hervillez n’y était pas (il est à Paris). Le professeur Reynard occupait la place à côté de l’Intendant et ne paraissait pas disposé à rien dire. Enfin j’entends : Discours sur les manufactures d’étoffe ; je cherche et je découvre certaine mine oratorienne à laquelle je reconnais mon Villin[5] :

  1. Baron, avocat (Alm. de Picardie de 1783, p. 40), secrétaire de l’Académie d’Amiens (p. 70), administrateur de l’hôpital (p. 23), ancien bâtonnier, rédacteur des Affiches de Picardie (Invent. d’Amiens, AA. 29, ann. 1782, fol. 163.)
  2. Rousseau, ingénieur de la ville d’Amiens (Alm. de Picardie de 1783, p. 48), membre de l’Académie (p.71). — Cf. Invent. d’Amiens et Invent. de la Somme, passim.
  3. Pierre-Antoine Du Liège, né en 1714, mort en 1789, écuyer, seigneur de Warlusel, trésorier général de France à Amiens (1756-1785), membre de l’Académie (Alm. de Picardie de 1783, p. 43, 71 ; A. de Loouvencourt, Les trésoriers de France de la généralité d’Amiens).
  4. Nous trouvons, à l’Almanach de Picardie de 1783, M. Boistel de Belloy, avocat, membre de l’Académie (p. 39, 70), bailli de la justice temporelle du chapitre (p. 26), de la justice des RR. PP. Jacobins (p. 27) et de la justice du vidame (p. 65). Mais peut-être s’agit-il de son fils, comme lui avocat et membre de l’Académie (ibid, p. 40, 71).
  5. Villin, « ancien curé de Cormeilles » membre de l’Académiee (Alm. de Picardie