Aller au contenu

Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

130

[À ROLAND, À AMIENS[1].]
Mardi, 4 mai 1784, — [de Paris].

Ma foi, mon ami, il n’y a rien de si plaisant qu’un ours apprivoisé. Ce poil hérissé et cette voix rauque, démentis par une volonté qui s’efforce de montrer de la douceur, forment un contraste singulier. Je viens de l’audience de l’ours que j’étais bien aise d’instruire de ce qui s’était passé et de tenir en haleine pour nous obliger. J’étais à peine entrée qu’il est arrivé, et, m’abordant aussitôt de l’air et du ton du bourru bienfaisant en bonne humeur : « Eh bien ! Madame, vous avez été malade ? Comment vous portez-vous ? » Après ma réponse : « Je suis bien aise, venez dans mon cabinet. » Il est allé devant, m’ouvrant les portes et me faisant passer. Quelqu’un l’attendait dans son cabinet : « Laissez-nous un instant, a-t-il dit, je serai à vous sitôt après. » Me faisant asseoir : « J’ai parlé au Comité, Madame ; tous ces Messieurs ont été fort contents de vous, comme je l’étais moi-même ; il a été à peu près décidé, généralement, que nous travaillerions à vous obliger, à vous servir ; faites présenter votre mémoire. » — « Je venais. Monsieur, vous exprimer ma reconnaissance de la bonté que vous aviez eue de rappeler à ces Messieurs ce qui m’intéressait et de les disposer favorablement ; je venais aussi vous faire part de ce qui s’est passé en conséquence : j’ai eu l’honneur de communiquer à Mme d’Arbouville ce que M. Bld. [Blondel] m’avait observé comme le mieux à suivre, « -Ah ! je sais ; il nous a dit ce qu’il vous avait conseillé ; j’ai pensé que ce serait fort heureux si vous en veniez à bout, mais que cela n’était pas naturel ; c’est le Commerce que cela regarde, c’est le Commerce qui doit demander : c’est-à-dire M. de Calonne à M. de Vergennes. » —

  1. Ms. 6239, fol. 75-76. — Le manuscrit donne 6 mai, mais il faut lire 4 mai, car l 6 mai 1784 tombe un jeudi.