Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/488

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que tous les samedis ; il ne serait nullement étonnant que trois, quatre samedis se passassent avant qu’on nous mit sur les rangs. Ma célérité a fort étonné Mme d’Arb[ouville]. Tout les gens à affaires ne parlent que par moi ! J’ai été à mon tour voir M. de Saint-Rom[ain] ; j’ai causé, raisonné, pressé, obtenu des promesses ; il est aimable, quoiqu’il ne soit plus très jeune ; c’est le plus causant, le plus aimable que j’aie trouvé dans les bureaux. Je me trompe fort où il serait homme à se payer d’une certaine monnaie que malheureusement je ne débite pas. Avant de quitter Versailles, je lui ai envoyé un exemplaire de tous tes ouvrages, accompagnés d’une lettre que je crois très forte et très bonne. Je n’ai point trouvé à la chancellerie le secrétaire pour qui M. Faucon m’a donné une lettre ; je viens le chercher ici ; je joue aux olivettes avec M. de Noiseville[1], à qui j’ai pris le parti d’écrire et qui me répond en me donnant rendez-vous pour lundi. Je vais faire tout ce que je pourrai pour mettre du monde en campagne, et, tous les possibles tentés, toutes les précautions prises, je remettrai l’issue aux événements et à Mme d’Arb[ouville], qui est certainement active et zélée, et je retournerai te joindre, à moins d’une grande espérance de décision plus prochaine, parce qu’alors je tenterait et remuerais jusqu’à la fin.

Mais il ne faut pas non plus payer un bien incertain de tant de pertes réelles, et c’en est de terribles qu’un temps si long passé loin de toi. En arrivant de Versailles, je me suis jetée dans un fiacre pour voir quelques gens ; j’ai trouvé un secrétaire qui venait de dîner et qui ma embrassée fort sans façon : c’est M. Noël[2], que Flesselles connait.

  1. On voit par la lettre suivante que M. de Noiseville était le secrétaire de M. de Vaudreuil.
  2. Ce secrétaire qui, à première rencontre, embrasse Madame Roland « fort sans façon », paraît bien être ce Noël qu’elle avait connu enfant de chœur sous son oncle, l’abbé Bimont (Mém., II, 18). Mais ne se trompe-t-elle pas, en ce passage des Mémoires, en croyant que son compagnon d’enfance est le même que l’abbé Noël, qui « appelé par le ministre Le Brun dans la carrière diplomatique », fut, en 1792, envoyé à Londres, puis en Italie ? Nous savons que l’agent de Le Brun était, avant la Révolution, professeur de sixième au collège Louis-le-Grand. Il faudrait admettre qu’il aurait pu être en même temps, en