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[À BOSC, À PARIS[1].]
Le 3 octobre [1784], — du Clos La Platière.

Eh bien ! notre bon ami, qu’êtes-vous donc devenu à notre égard, à nous qui vous conservons le plus sincère attachement, l’estime la plus vraie, l’amitié la plus tendre ? Je vous ai écrit de Longpont ; notre ami Lanthenas vous aura répété l’expression de nos cœurs : nous nous flattions, je vous l’avoue, de trouver ici de vos nouvelles ou d’en recevoir à notre arrivée, car vous avez encore eu des nôtres de Dijon. Votre triste silence nous accable autant que vos pleurs nous ont déchirés. Homme impitoyable, dont l’imagination nous fait tant de mal à tous, pourquoi refuser d’ouvrir votre âme à la vérité, à la confiance, à l’ancienne amitié ? Vous avez beau lutter contre elle avec les prestiges auxquels vous vous êtes livré, il faut que vous reveniez à la franchise, au dévouement avec lesquels nous vous aimons ; et je ne connaîtrais plus rien aux choses de ce monde, si votre erreur pouvait tenir longtemps contre la bonne foi et la vivacité de sentiment que nous mettons dans notre liaison. Levez les yeux, mon ami ; voyez les braves gens qui vous chérissent, qui n’ont jamais eu que des raisons de vous chérir davantage, et qui ne souhaitent autre chose que le retour de votre attachement.

Nous sommes arrivés sans accident, mais fatigués : le frère[2] était venu à la ville pour nous recevoir, et aussitôt nous avons ouvert des malles, fait de nouveaux paquets pour venir à la campagne, où nous voici. Je n’ai le courage de vous parler de rien de relatif à ce qui m’environne, jusqu’à ce que vous m’ayez donné signe de vie. L’ami vous a écrit que nous avions vu M. Maret[3],

  1. Bosc, IV, 71 ; Dauban, II, 510 ; — ms. 6239, fol. 247 bis (le folio 247 est répété deux fois). — La mention du Clos n’est pas dans le manuscrit ; c’est Bosc qui l’a mise dans son imprimé. Mais elle ressort d’ailleurs du texte de la lettre.
  2. Le Chanoine Dominique.
  3. Hugues Maret, savant chirurgien de Dijon (1726-1786). Il a publié divers mémoires de médecine, d’histoire naturelle et d’hygiène. Il était secrétaire perpétuel de l’Académie de Dijon. Bosc, qui avait passé plusieurs années de son adolescence à Dijon, au collège des Godrans, avait étudié sous lui et était lié d’amitié avec ses fils. C’est par lui que Roland avait été mis en relations avec Maret. — Voir aux Papiers Roland, ms. 6243, fol. 102, une lettre du 12 décembre 1783, où Roland remercie Maret de son élection d’« associé non résident » ;