Vous m’avez laissée pénétrée, anéantie.
Au Moment de metre entre nous un intervalle de cent lieues, au moment de nous quitter pour longtemps peut-être, au moment où, le cœur brisé mais dans l’effusion de mon âme, les mains de mon ami, de ma fille réunies dans les vôtres, je renouvelle le pacte de la sainte amitié, ce pacte d’autant plus solennel qu’il était accompagné d’un silence que personne de nous ne pouvait rompre, à ce moment, vous vous dégagez du milieu de nous, vous nous fuyez !… Je suis demeurée immobile sur mon siège, mon enfant dans mes bras, mes yeux baignés, attachés sur cette porte que vous veniez de passer. Dans quel état êtes-vous donc vous-même !
Votre image nous poursuit ici, nous suivra partout, et notre âme, abreuvée de l’amertume où nous vous avons vu plongé, se refusera aux douceurs qui nous environnent, jusqu’à ce que nous ayons l’assurance que vous croyez en vos amis, que vous les chérissez toujours, que vous êtes persuadé de leur dévouement, jusqu’à ce qu’enfin la douce confiance fasse renaître les beaux jours de notre amitié. Jeune et sensible ami, punirais-tu ceux qui t’aiment d’avoir eu pour toi ce ménagement que leur sensibilité croyait devoir à la tienne ? Dites-moi, rentrez au fond de votre âme, jugez la nôtre par elle, et voyez s’il est possible que nous soyons autres que ce que nous vous protestons être.
Revenez, mon ami, au sein de la confiance ; elle est faite pour votre cœur honnête, et l’injure que votre sensibilité nous a faite en croyant que nous vous en avions fait une, est une erreur de sentiment qui appartient à son excès. Écrivez-nous, mon ami, épanchez-vous encore avec nous, recevez nos tendres embrassements, et renouvelons pour jamais le serment d’une amitié éternelle !
Mon cœur est plein, le temps me presse, on m’environne ; adieu : venez donc ici dimanche. Ci-joint la traduction désirée. L’ami Lanthenas et mon ami, nous vous embrassons !…
- ↑ Bosc, IV, 70 ; Dauban, II, 509 ; — ms. 6239, fol. 247.