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[À BOSC, À PARIS[1].]
7 novembre [1784], — de Villefranche.

Nous recevons enfin de vos nouvelles, notre bon ami : c’est toujours, de notre part, avec le même empressement que par le passé ; à quoi tient-il que de la vôtre elles ne soient données avec autant de plaisir et d’amitié ? Au reste, vous nous trouverez toujours les mêmes, et peut-être vous direz-vous un jour que des personnes qui n’auraient pour vous qu’un attachement médiocre n’auraient pas été capables de prendre autant de soins, et de les prendre aussi constamment, pour vous persuader le contraire. Quel autre intérêt que celui du cœur pourrait porter à agir ainsi ? Vous le sentirez ; votre âme se rouvrira à la confiance, et vous nous dédommagerez, par l’intensité, de la suspension qu’aura faite dans la durée le triste nuage qui vous offusque. Je le crois fermement, parce que le sentiment de nos droits sur votre amitié est inhérent à celle que nous vous portons et entraîne avec lui l’assurance de vous ramener à la vérité. Je vous parle de ceci pour la dernière fois ; je continuerai notre correspondance sur le ton que nous n’avons pas de raison de changer, et vous saurez que, loin de nous éloigner de nos amis malades, nous renouvelons alors le dévouement qui nous unit à eux pour jamais.

Mon bon ami vient de partir pour faire une tournée dans les montagnes de son département ; de là il doit passer quelques instants à Lyon ; je serai au moins dix jours, peut-être quinze, sans le voir. Nous sommes environnés d’ouvriers ; mon appartement est bien à peu près rangé, mais il y a beaucoup à faire pour le cabinet de l’inspecteur[2]. Nous aurons longtemps des soins de cette espèce, car nous faisons bâtir à la campagne, et j’ai grand’peur que les maçons, qu’il faut veiller, ne nous empêchent d’aller cet été herboriser au mont Pilat[3]. L’ami Lanthenas, qui nous a quittés le 3 de ce mois, vous aura quelquefois entretenu de nous[4], et doit vous en dire long encore s’il peut

  1. Bosc, IV, 72 ; Dauban, II, 511.
  2. Sur la maison de Roland à Villefranche, voir Appendice M.
  3. Le mont Pilat (1434 mètres d’altitude), à l’extrémité nord des Cévennes, qu’on aperçoit des collines du Beaujolais.
  4. M. A. Morrison a bien voulu mettre à notre disposition de nombreuses lettres de Lanthenas à Bosc, de cette époque. — Voir la notice de Lanthenas, Appendice L.