Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/559

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s’acquitter de tout ce dont nous l’avons chargé. Ma petite Eudora, qui jase plus que jamais, et que je vois avec une extrême satisfaction se plaire toujours davantage avec moi, ne vouloir plus me quitter, m’a appelée cette nuit en prononçant votre nom, pour me demander où vous étiez, si vous deviez venir nous voir. En se jouant autour de nous, elle a déjà appris une partie de son alphabet, je ne saurais prendre un livre qu’elle ne veuille y regarder.

J’ai eu peu de loisir depuis mon arrivée ici, car vous saurez que l’usage est de visiter les arrivants ; j’aurais eu toute la ville, si quelques personnes n’étaient encore à la campagne, ce qui prolonge un peu les visites ; d’ailleurs ma belle-mère en reçoit habituellement beaucoup, mais je m’esquive au moment du jeu dans le cabinet de notre excellent frère : là on lit les journaux ou autre chose, on cause littérature ou arrangements, on se repose dans la confiance, et le souper vient toujours trop tôt. J’ai à vous demander les Leçons d’harmonie et de clavecin de Bemetzrieder, in-4o, dont une fois déjà vous avez acheté un exemplaire pour une de mes amies ; mais je n’en suis pas pressée, car je n’ai pas de clavecin, et cette acquisition est moins aisée à faire que l’autre ; mon ami aura d’autres objets dont il vous parlera à son retour. Nous avons quitté la campagne au moment où des neiges prématurées en avaient bien changé la face ; cependant, si la nécessité de nous arranger ne nous avait appelés à la ville, nous n’y serions pas revenus si vite. La nouvelle de la guerre me fâche, parce que je regarde toujours ces querelles de rois comme des fléaux pour les peuples ; je la regrette plus encore, puisqu’elle vous donne des sujets particuliers d’inquiétude. Donnez-nous des nouvelles de ce que les sciences, les auteurs, les Académies et les brigues présentent de nouveau. Je vous aurais demandé avant tout des détails de vos occupations, de vos études actuelles, si vos expressions à cet égard ne m’obligeaient d’attendre l’instant où vous-même trouverez de la douceur à nous en entretenir.

Mille choses à M. Parault, que sans doute vous avez le plaisir de voir quelquefois. Il y a longtemps que nous attendons des nouvelles d’Amiens et que nous doutons presque du sort d’un paquet, par le silence d’un homme, entre autres, intéressé à ce qu’il renfermait et à qui M. d’Eu aura dû le remettre.

Adieu ; n’oubliez pas ceux qui vous aiment et qui vous sont attachés pour jamais ; je vous embrasse au nom du petit ménage.