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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/565

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je ne hais personne ; mais fût l’homme le plus affreux, il me le semblerait moins s’il pouvait, s’il voulait vous être utile. Vous avez l’esprit juste, le cœur droit, l’âme sensible ; il ne peut être que vous n’ayez d’autres motifs ; nous les ignorons. Nous sommes sensibles, nous vous aimons : expliquez-vous : quels sont nos crimes ? Qu’avez-vous ? Qu’exigez-vous ? Nous serons toujours ce que nous sommes : nous attachant rarement, difficilement, à peu de monde, mais aimant cordialement, sans réserve. Notre bonheur tient au vôtre, nous nous sommes fait une douce habitude de nous entretenir de vous, de vous compter au nombre de nos meilleurs amis : l’état de contrainte où vous nous tenez nous est insupportable. Je suis accablé d’affaires en ce moment ; depuis notre arrivée ici, j’ai fait deux voyages de Lyon ; j’y retourne lundi prochain ; j’ai fait une tournée du département ; je suis las, harassé ; je ne puis plus supporter cette manière d’être incertaine.

Ma femme vous a adressé des lettres[1] ; elle a quelques craintes que celle de Vincennes et celle de la Congrégation ne soient pas parvenues à leur adresse ; on le lui fait entendre. Je crois vous en avoir adressé une pour Visse, libraire ; je n’en reçois pas de réponse ; aurions-nous abusé ? Sur cela comme sur le reste, parlez-nous franchement. Je vous en adresse une pour M. de Zach ; renvoyez-la-moi, si ma correspondance vous est importune.

Non, cela ne peut être[2], j’en ai la confiance ; mais votre silence nous tourmente beaucoup. Écrivez-nous, mon ami ; recevez nos embrassements avec cet abandon de cœur qui accompagne tous les témoignages de notre, attachement pour vous.

J’ai peur qu’Agathe ne soit malade ; on me mande de Paris que j’oublie donc de lui écrire ; mais je me rappelle bien que vous nous avez écrit avoir reçu et expédié la lettre qui la concernait, ainsi que celle pour Vincennes ; mon inquiétude ne tombe donc pas sur le sort des lettres qui vous sont parvenues, mais sur l’état des personnes à qui je les adressais et dont je ne reçois rien.

Adieu, rappelez-vous de nous avec la chère sœur, songez combien nous vous sommes attachés, et puis — osez ne plus nous aimer !

  1. Ce paragraphe est biffé dans l’original.
  2. Ici, Madame Roland reprend la plume. Ces trois paragraphes sont également biffés.