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[A ROLAND, À LYON[1].]
Vendredi, 10 décembre 1784, à 6 heures du soir. — [de Villefranche].

Je n’ai point encore de tes nouvelles, mon cher bon ami ; tu m’as avertie que je le prisse pour un bon signe ; je souhaite bien vivement qu’il en soit ainsi ; cependant j’aurai toujours à désirer, jusqu’à ce que tu m’aies donné toi-même les assurances de ton mieux être. D’ailleurs, ton silence annonce une surcharge de travail qui me tourmente ; je crains que tu ne marches trop tôt sans écouter un reste de douleur qui, ainsi négligé, pourrait avoir des suites fâcheuses. Souviens-toi de cet affreux mal de Jambe que tu eus à Amiens ; je ne parle pas de l’effet de notre chute commune[2], mais de l’accident qui l’avait précédée longtemps auparavant.

Bon ! bon ! j’envoie les raisonnements au diable : je viens de recevoir, dévorer et baiser ta lettre ; tu me soulages d’un grand poids. Ménage-toi bien et tout ira par merveilles. Les choses se présentent fort agréablement à Lyon ; il ne tient qu’à toi que tout ce qui est d’affaires et de relations dans ce pays y soit tout le contraire de ce qu’elles ont quelquefois été ailleurs.

Quant à l’histoire de la selle, tu sauras qu’il n’y avait à l’écurie que deux chevaux, le nôtre et celui d’un voyageur ; le domestique de l’auberge a fait l’erreur, et Saint-Claude, qui ne connaît pas encore trop bien les affaires de sa nouvelle maison, ne s’en est douté qu’en chemin, sans s’en inquiéter beaucoup, parce que la selle échangée est neuve et belle. Mais elle est un peu grande pour le cheval, et d’ailleurs il convient que chacun ait le sien. L’autre voyageur aura sûrement bien crié et voudra peut-être faire payer sa selle au maître de

  1. Ms. 6239, fol. 129-130.
  2. Voir, ms. 6241, fol. 282, une lettre de M. Justamont, un de leurs amis de Rouen, du 20 août 1781, où il envoie ses condoléances au sujet d’une chute arrivée à Madame Roland et à son mari.