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minua un peu la fièvre. Des fomentations et deux autres lavements nous ont enfin procuré une évacuation à midi, la première depuis la nuit du dimanche au lundi et la médecine de ce dernier jour. Tous les accidents graves ont disparu ; il reste peu de fièvre, l’urine commence à prendre son cours et l’enfant se soutient même sur ses pieds. Le médecin était assez disposé à le purger, je lui ai peint une répugnance qui rendait l’entreprise trop difficile pour qu’on dût la tenter ; et je ferai ainsi durant quelque jours, parce que je suis persuadée qu’il faut continuer de traiter par les lavements et les lavages pour apaiser l’irritation qu’un purgatif ne ferait qu’augmenter. Je serais tentée de croire que celui de lundi était hors de propos et que le premier avait été trop fort. On se défie soivent trop de son propre bon sens et d’un vif intérêt qu’éclaire l’observation de chaque instant.

Enfin, mon bon ami, j’ai été dans les larmes, j’ai cru que ton funeste songe serait réalisé ; mais un jour plus heureux renaît encore et me remplit d’espérance et de joie. Cet enfant a développé un moral bien difficile et des singularités, si l’on pouvait rigoureusement juger le caractère en pareille situation. D’abord il a manifesté une aversion étonnante pour sa grand’mère ; il paraissait souffrir de sa présence : « Laissez-moi, allez-vous-en, non, taisez-vous » était tout ce qu’il pouvait lui dire ; il refusait de prendre une boisson si la grand’maman s’avisait de toucher à la tasse ; il criait horriblement si elle portait la main au rideau ou aux approches du lit ; enfin c’était un dégoût, une impatience, une opposition si marquée, que la grand’mère, je ne sais comment, en a pleuré plusieurs fois. Au contraire, j’étais la seule qu’il accueillit, non pas avec des marques d’affection, mais comme s’il m’eût jugée la plus dévouée à son bien ; quand il s’ennuie de son lit, il lui faut mes bras ; pour le soigner en tout, il faut que ce soit moi, mais il le veut avec empire, avec aigreur ; il se plaint sur le même ton si je ne fais pas à sa fantaisie, et pourtant il ne veut nulle autre à ma place.

La maladie, pour les enfants, est une bien mauvaise éducation ; il serait fâcheux qu’elle revint souvent ; les cris de la contrariété nous ont