ici qu’à nous tranquilliser et tirer parti de ce qui existe, sans nous inquiéter de rien autre.
Si je suis ta consolation, ton bonheur ! Eh bien ! jouissons paisiblement ; j’ai atteint le but de mes désirs, mon cœur est satisfait.
Si l’on abat les arbres sous lesquels je vais rêver à toi[1], je retrouverai toujours bien un siège de gazon et l’ombre d’un espalier pour goûter la même douceur ; j’y serai sans abri, comme les fleurs modestes qui m’environneront, et je t’aurai pour mon protecteur, comme elles ont le soleil qui les vivifie.
Depuis que j’ai bien vu l’impossibilité de rien faire ici de ce que nous nous étions proposé, je n’y désire pas plus que si cela était le mieux possible, et je regarde comme une bonne fortune ce qui tend, même de loin, à quelques améliorations.
Je continue d’habiter l’antique appartement où j’étais l’année dernière, et je renonce au dessein de prendre celui d’en haut, trop petit, trop étouffé, désagréable par des raisons locales que tu jugeras sur les lieux. J’ai établi une table de travail dans la salle à manger, au coin de la cheminée, où je me tiens aussi profondément recueillie que si je fusse dans un cabinet reculé ; je ne suis pas entrée deux fois dans l’appartement de mon frère, dont la présence, quand il est ici et qu’il traverse, ainsi que tout autre, cette salle où je me suis fixée, ne me gêne pas plus que s’il n’y avait que des mouches. Que je tienne la plume ou l’aiguille, je me tais également quand je veux, et on lit sur ma figure que je ne suis là pour personne.
Pourquoi ne serions-nous pas contents ici ? Nous l’aurions bien été dans cette supposition du faubourg Saint-Marceau[2]. Oui, mon cher et unique ami, reviens près de moi ; nous le serons toujours dans la plus
- ↑ Roland écrivait, dans sa lettre du 3 juin : « J’ai trouvé douce et touchante l’image de la fauvette (voir lettre du 21 mai) ; et ce que tu me dis des charmes de l’ombre hospitalière de cet arbre, le seul qui reste au jardin, et dont encore la perte est conjurée, m’intéresse à son sort et me ferait prendre sa défense, si quelque crédit de propriété ou de sentiment me permettait de parler ou d’agir, etc… » — On voit par là et par d’autre passages de la lettre que le chanoine entendait bien rester le maître au Clos.
- ↑ Il semble que Roland et sa femme auraient projeté un instant de s’installer dans