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Breteaux[1], où elle méditait quelque entreprise. La ville a été remplie de gens en armes et la paix universellement troublée.

Adieu, je vous recommande notre affaire et j’attends de vos nouvelles avec empressement.


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[À ROLAND, À LYON[2].]
Vendredi, 11 août 1786, — [de Villefranche].

Mais c’est fort laid que de se tuer[3] ; cela n’est pas chrétien : ains fort cruel et très sot. Dieu leur fasse paix et te préserve de mauvaises rencontres ; ainsi soit-il ! En vérité, je n’aimerais point à te voir dans cette ville, si la rumeur n’était apaisée ; on a beau s’écarter de la bagarre, on peut s’en trouver investi, et une pierre comme une balle à fusil blesse aussi bien un honnête homme qu’un séditieux.

Je t’envoie une belle lettre ministérielle sur de petites choses ; l’enveloppe était, je crois, tombée dans un pot de miel à la poste ; les oracles s’en trouvent tachés, et c’est tout ce que j’y ai vu de remarquable.

Idem, une épître à laquelle seul tu peux répondre ; j’ai cru reconnaître, à la description, la machine à carder le coton ; j’ai été voir la planche de l’Art, et je n’y ai reconnu qu’une grande analogie.

J’ai peur que notre ami[4] ne s’engoue pour quelque mauvaise entreprise, comme il s’était engoué de la défense des cadets ; plaise au ciel qu’il ne jette pas sa légitime au vent, car il finirait par se déménager de ce monde dans quelque accès de noir.

Je fais à d’Antic l’expédition des deux tableaux et notices que j’ai

  1. Les Brotteaux, la grande plaine qui s’étend à l’est de Lyon, au nord de la Guillotière, sur la rive gauche du Rhône. C’était alors un terrain d’îles, de graviers et d’oseraies, avec des guinguettes ; c’est aujourd’hui, surtout depuis quarante ans, un des plus beaux quartiers de la ville. — Le peuple prononce comme écrivait Madame Roland « les Breteaux ».
  2. Ms. 6239, fol. 179-180.
  3. Voir la lettre précédente.
  4. Lanthenas.