Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/843

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vidus d’une espèce d’insectes qui attaque les artichauts. Ces vilains petits animaux noirs, de forme peut-être approchante de celle des chenilles, portent au bout de leur queue une sorte de manteau écailleux qu’ils se mettent sur le dos en repliant leur queue, et ils bravent ainsi tous les dangers. Dès qu’une fois ils se mettent aux artichauts, ils dévorent le parenchyme des feuilles ; toute la plante blanchit et se dessèche, cesse de rapporter, et quelquefois meurt absolument. On ignore dans ce pays et le nom de l’insecte et la manière de le détruire ; il ne se montre pas fréquemment ; et, si j’en juge par cette année, la première où il ait paru depuis que je suis dans ces cantons, il ne parait qu’après de grandes sécheresses.

S’il vous est inconnu, c’est un présent que je vous fais, et je vous demande, en revanche, une recette pour nous en défaire ; si vous pouvez nous la procurer, ce sera un service que vous rendrez à la province. Vous trouverez deux individus que j’ai surpris dans une nouvelle métamorphose ; ils sont plus gros et ressemblent, sous cet habit, à des cloportes.]

Vous devez avoir reçu le Voyage de Suisse ; dites-moi s’il vous est parvenu.

Je suis ici du 15 ; j’y ai gardé le lit les premières vingt-quatre heures après mon arrivée, malade et harassée plus que je saurais dire.

Quand est-ce que vous nous renvoyez notre frère ? Faites-lui nos amitiés ainsi qu’à l’ami Lanthenas.

Adieu, mon estomac travaille et ne souffre pas volontiers que je fasse autre chose.

[Vous jugerez, par l’état où vous trouverez quelques brins de feuilles

    pour tout l’été et l’automne… Je n’entends plus parler de mon frère, né sais quand reviendra ; je serais fort aise de voir cet essai, beaucoup vanté, du président Bigot de Sainte-Croix… » Suit une discussion sur la Cassida viridis qui ravage les artichauts. Puis Roland ajoute : « Nous sommes entourés et pressés ici de la nouvelle qu’on va encore une fois retourner l’omelette. J’ai peur qu’elle ne soit enfin desséchée. On parle aussi de guerre de tous les côtés. Tapage et Carillon. Adieu. »