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[À BOSC, À PARIS[1].]
7 mars 1789, — de Lyon.

Or donc, notre ami docteur, on me charge de vous demander des choux, c’est-à-dire des renseignements sur les graines de choux-fleurs, le lieu d’où on les tire et la manière dont on les obtient.

Les uns prétendent ici que la graine de choux-fleurs, dite d’Angleterre, parce que les Anglais nous la fournissent, est tirée par eux de Malte même, et qu’ils n’en sont que les commerçants. D’autres assurent qu’indépendamment des graines de choux-fleurs de Malte, il en est qu’on recueille en Angleterre même, à force d’industrie, et que c’est bien de cette sorte que les Anglais nous vendent.

Éclaircissez-nous cette question et répondez encore à la suivante :

Recueille-t-on de cette graine à Paris, dans ses environs, et comment s’y prend-on pour l’avoir bonne ? Emploie-t-on les serres et fait-on passer l’hiver à la plante ?

Veuillez vous enquérir de ces objets et nous en rendre bonne raison.

J’aimerais à causer avec vous, mais je ne puis en ce moment.

Nous avons ici de grands opéras qui ne sont pas mal rendus pour la province, et j’ai pleuré comme une novice à Œdipe à Colonne[2], avec l’intéressante Antigone.

Adieu ; ma pauvre Eudora m’écrit presque tous les jours où je ne la vois pas[3] ; c’est avec elle que j’ai été au spectacle ; mais son petit cœur, tout à la nature, n’entend rien à ce qui n’est que son imitation.

Nous vous embrassons franchement et cordialement.

Ma pauvre Agathe ?…

  1. Collection Alfred Morrison, 2 folios. — La date est de l’écriture de Roland. Sur le verso du 2e folio, Bosc a écrit huit ou dix lignes sur les choux-fleurs. De même, aux deux questions du 4e paragraphe, il a répondu oui au-dessus de la ligne.
  2. Œdipe à Colonne, opéra de Sacchini, paroles de Gaillard. Joué pour la première fois à Paris le 30 janvier 1787.
  3. On verra plus loin, lettre 330, qu’elle avait confié, c’est-à-dire mis en pension sa fille chez un « pasteur protestant, ami de Rabaut-Saint-Étienne ». C’est bien certainement Frossard.