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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/927

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[Warville] et ils avaient mis en délibération de lui intenter un procès comme criminel de lèse-nation pour avoir mal parlé d’administrateurs qui ont besoin de la confiance publique.

J’ai vu Blot rire comme un fou de cette colère et de cette prétention : mais on ne rit pas toujours ; il a craint d’être soupçonné, il n’a pas cru pouvoir mieux se mettre à l’abri qu’en faisant auprès des offensés le rôle d’un quoniam bonus. Tant y a que nos ganaches s’étaient apaisées ou endormies ; la lettre de Desmoulins les agace violemment ; on en fait grand tapage et, dans l’indisposition où ils sont contre notre ami, leurs idées se dirigent de sont côtés ; je ne doute pas qu’ils ne fassent quelques démarches pour tâcher de lever le voile.

Il importe que vous soyez prévenu. Votre nom ne vaudrait rien, il serait trop aisé de remonter à la source ; et s’il arrivait qu’on dût en donner un, il faudrait les chercher en l’air. Au reste, je vous dis tout ceci par prudence, car, malgré leur fureur, ils sont si bêtes, et les choses dites sont si vraies, qu’il ne leur serait pas aisé de s’en tirer avec les honneurs de la guerre. J’imagine que Desmoulins n’est pas un petit compagnon à se laisser faire et à ne savoir se retourner. Prévenez-le comme vous l’entendrez, pour éviter la cacophonie et l’indiscrétion[1].

Notre district s’organisera peut-être un peu moins mal que le département ; mais c’est encore fort douteux.

Je vous laisse à nous maintenir avec le brave Wlle [Warville] dans les termes qui conviennent à notre commun amour pour le bien public. Je vous avoue que je ne m’attends pas à être recommandée par Bt [Blot] dans son esprit ; il est devenu d’une prudence à nous juger têtes exaltées. Le fait est que nous ne sommes point à notre place, et puis c’est tout. Si Blt [Blot] avait eu de la suite, notre projet de société patriotique serait exécuté et nous aurions fait comme à Dijon ; mais quand il a fallu agir, adieu mon homme et son enthousiasme.

  1. On voit par ce passage, rapproché d’un autre mot de la lettre 345, où Camille Desmoulins est nommé pour la première fois, que Lanthenas était en relations avec lui et que, par cet intermédiaire, les Roland lui avaient fait insérer dans son journal un article sur les affaires de Lyon. Nous ne reviendrons pas là-dessus