guerre à votre civisme. Vous demandez nos commissions, je vous les donnerais avec un singulier plaisir, mais le bon Lanthenas s’est tellement chargé de ce qui nous concernait dans la capitale, qu’il a tout mis à jour. Apportez-moi quelques graines de jolies plantes que je puisse cultiver dans quelques coins de ma solitude, et dont je dirai, en les voyant : c’est l’amitié qui leur a donné naissance ici.
Je conais peu Fontenay-aux-Roses proprement dit, mais je me suis beaucoup promenée dans les bois et le parc de Sceaux, dont je me rappelle parfaitement les eaux vives, les charmants gazons et les superbes hêtres.
L’ami Lanthenas me parle d’une manière de faire votre voyage à laquelle il conviendrait peut-être d’apporter quelques modifications ; vous êtes bien aussi braves que des Romains, mais vous n’êtes point habitués, comme leurs miles, à faire de longues routes à pied ; il convient de garder ses forces, ou plutôt on ne saurait les consulter lorsque le devoir ou la patrie demande qu’on les déploie sans ménagements, mais il ne faut pas les prodiguer sans nécessité. Je ne vous dis point combien l’assurance de vous revoir nous a rendus joyeux ; il me semble que cela ne se dit pas, faute de pouvoir s’exprimer.
Notre petit courrier apporte les paquets de la ville, et je reçois, mon digne ami, votre lettre du 28 toute remplie, comme votre âme énergique, du feu du sentiment et de la force de la raison. J’ai écrit une longue lettre à Brissot ; je désirerais que vous l’eussiez vue : j’y donnais sur Lyon des aperçus qui peuvent avoir quelque utilité ; je n’imagine pas qu’elle soit passée entre les mains de nos deux amis sans vous être communiquée.
Je crois, à vous parler franchement, que nous sommes voisins d’une nouvelle crise ; je crois qu’il s’en prépare deux de différents genres et que l’antériorité de l’une pourra seule prévenir l’autre. Assurément, il existe toujours des projets de contre-révolution ; on ne saurait en douter, et les mouvements extérieurs me semblent devoir les confirmer, en même temps que la foule des mécontents et des corrupteurs atteste leur permanence.
L’abîme des finances est le Tartare où le despotisme espère nous précipiter ; la nation commence à le sentir et Paris à s’écrier. Voilà le second principe de mouvement et celui qui peut nous sauver, s’il se fait bien à temps ! C’est encore Paris seul qui soit capable de ce vigoureux élan ; il faut que sa réclamation puissante, semblable à la voix du Créateur, fasse sortir la lumière du sein du chaos, force l’Assemblée de déchirer le voile qui cache l’iniquité des mystères