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Au-dessus de la Mêlée


I

LETTRE OUVERTE
À GERHART HAUPTMANN

Samedi 29 août 1914[1].


Je ne suis pas, Gerhart Hauptmann, de ces Français qui traitent l’Allemagne de barbare. Je connais la grandeur intellectuelle et morale de votre puissante race. Je sais tout ce que je dois aux penseurs de la vieille Allemagne ; et encore à l’heure présente, je me souviens de l’exemple et des paroles de notre Gœthe — il est à l’humanité entière — répudiant toute haine nationale et maintenant son âme calme, à ces hauteurs « où l’on ressent le bonheur ou le malheur des autres peuples comme le sien propre ». J’ai travaillé, toute ma vie, à rapprocher les esprits de nos deux nations ; et les atrocités de la guerre impie qui les met aux prises, pour la ruine de la civilisation européenne, ne m’amèneront jamais à souiller de haine mon esprit.

Quelques raisons que j’aie donc de souffrir

  1. Un télégramme de Berlin (Agence Wolff), reproduit par la Gazette de Lausanne du 29 août 1914, venait d’annoncer que « l’ancienne ville de Louvain, riche en œuvres d’art, n’existait plus aujourd’hui. »