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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

dans le discours prononcé sur sa tombe, au nom de l’Internationale ouvrière[1]. Il n’y a aucun doute qu’après avoir combattu la guerre jusqu’à ce que tout espoir fût perdu de l’empêcher, il ne se serait incliné loyalement devant le devoir commun de la défense nationale et qu’il n’y aurait pris part, de toute son énergie. Il l’avait proclamé, au congrès de Stuttgart (1907), en plein accord sur ce point avec Vandervelde et Bebel : « Si une nation, disait-il, en quelque circonstance que ce fût, renonçait d’avance à se défendre, elle ferait le jeu des gouvernements de violence, de barbarie et de réaction… L’unité humaine se réaliserait dans la servitude, si elle résultait de l’absorption des nations vaincues par une nation dominatrice. » Et, de retour à Paris, rendant compte du congrès aux socialistes français (7 septembre 1907, au Tivoli Vaux-Hall), il leur imposait comme un double devoir, la guerre à la guerre, tant qu’elle n’est qu’une menace encore, à l’horizon, et, à l’heure de la crise, la guerre pour la défense de l’indépendance nationale. Ce grand Européen était un grand Français[2]. — Mais

  1. « Nous sommes, à travers le monde, dix millions d’ouvriers organisés, pour lesquels le nom de Jaurès incarnait l’aspiration la plus noble et la plus complète… Je me rappelle ce qu’il fut pour les ouvriers des autres pays. Je vois encore les délégués étrangers attendre qu’il eût parlé pour fixer leur opinion décisive ; et même quand ils n’étaient pas d’accord avec lui, ils aimaient à se rapprocher de sa conception… Il était plus que la Parole. Il était la Conscience… »
  2. Qui a parlé plus noblement que lui de la France éternelle, « la vraie France, qui n’est pas résumée dans une époque et dans