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JAURÈS

il est sûr aussi que le devoir patriotique, accompli fermement, ne l’eût pas empêché de maintenir son idéal humain, et de guetter, en veilleur vigilant, toute occasion de rétablir l’unité déchirée. Certes, il n’eût jamais laissé aller le vaisseau du socialisme à la dérive, comme ses débiles successeurs.


Il a disparu. Mais comme les splendides lueurs qui suivent le coucher du soleil, rayonnent au-dessus de l’Europe sanglante d’où monte le crépuscule, les reflets de son lumineux génie, sa bonté dans l’âpre lutte, son optimisme indestructible dans les désastres mêmes.

Une page de lui, — page immortelle, qu’on ne peut lire sans émotion, — représente le bon Alcide, Héraklès après ses travaux, se reposant sur la terre maternelle :

« Il y a des heures, dit-il, où nous éprouvons à fouler la terre une joie tranquille et profonde,

    un jour, ni dans le jour d’il y a des siècles, ni dans le jour d’hier, mais la France tout entière, dans la succession de ses jours, de ses nuits, de ses aurores, de ses crépuscules, de ses montées, de ses chutes, et qui, à travers toutes ces ombres mêlées, toutes ces lumières incomplètes et toutes ces vicissitudes, s’en va vers une pleine clarté qu’elle n’a pas encore atteinte, mais dont le pressentiment est dans sa pensée ! » (1910).

    Voir le tableau magistral qu’il fait de l’histoire française, et son magnifique éloge de la France, dans la conférence de 1905, qu’il fut empêché de prononcer à Berlin et que lut à sa place Hubert Fischer.