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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

les ignorer. Ils sont comme s’ils n’existaient pas.

Ils existent pourtant, ils existent par milliers. Leur nombre semble à peu près égal, d’un côté comme de l’autre. Lequel des deux ennemis prit l’initiative de ces captures ? On ne peut le dire encore, avec certitude. Il semble bien que l’Allemagne ait fait, dès la seconde quinzaine de juillet, arrêter nombre de civils alsaciens. La France y répondit, au lendemain de l’ordre de mobilisation, en déclarant prisonniers les Allemands et Autrichiens se trouvant sur son territoire. Ce vaste coup de filet fut suivi d’autres semblables, en Allemagne et en Autriche. La conquête de la Belgique et l’invasion du nord de la France amenèrent un redoublement de ces mesures, aggravées de violences. Les Allemands, en se retirant, après leur défaite sur la Marne, razzièrent méthodiquement dans les villes et villages de Picardie et de Flandre toute la population en état de porter les armes : 500 hommes à Douai ; à Amiens, 1 800, convoqués devant la citadelle, sous prétexte de répondre simplement à un appel et emmenés aussitôt, sans avoir même le temps de rentrer quelques minutes chez eux pour prendre un vêtement de rechange.

En beaucoup d’occasions, les captures n’ont même pas l’excuse d’une utilité militaire. Au village de Sompuis (Marne), le 10 septembre, les Saxons s’emparent d’un curé impotent de