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Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/366

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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

z Je me souviens, écrit-elle, quand on me hissa sur le tabouret et que je jouai sans aucune peur. » Elle était si avancée qu’elle eut bientôt fait de dépasser son professeur. Elle lui rendait le devoir donné, en disant que c’était trop facile : — « Elwas Schwereres ! »... Au reste, nulle instruction suivie. Les quatre enfants poussaient comme des sauvageons. Ils vivaient huit mois de l’année, dans leur seigneurie de Martonvâsâr fondée par le grand-père, sur la Puszta hongroise, possédée, ravagée, cent cinquante ans, par les Turcs. C’était un désert marécageux, une immense étandue toute nue, le royaume de la fièvre : on ne s’en souciait point h C’était, pour les enfants, le paradis sauvage de la liberté illimitée. Le père, toujours absent, à Vienne, pour ses occupations officielles, dont il ne s’occupait guère, homme du monde, homme aimé, amoureux. La mère, toujours en course, à cheval, à travers champs, dirigeant tout, rudement, menant d’un poing de 1er l’œuvre de défrichement, de canalisation, de reboisement, qui devait faire plus tard de ce Martonvâsâr une terre modèle ; elle correspondait, en latin avec les hauts fonctionnaires du domaine. L’éducation de ses enfants était 11. « Nous avions tous des fièvres persistantes. Ma mère eut, quatre ans de suite, la fièvre quarte, sans rien faire pour la combattre et sans rien changer à sa vie. »

Cette insouciance devait, par la suite, être chèrement payée. Cette race des Brunsvik a été décimée par la « fièvre nerveuse ». (comme on disait alors) ; et Joséphine, la sff»r chérie de Thérèse, en souffrit jusqu’à la mort.