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Page:Rolland - Beethoven, 2.djvu/137

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LE SILENCE DE GŒTHE

nage de Thuringe. Et il gémit qu’il n’a plus qu’à se terrer dans sa caverne et à attendre en grelottant le retour de l’été qui lui permettra de retrouver en Bohême la vie qui seule vaut d’être vécue 1...

Quand apparaît subitement, le 24 octobre, la fée des neiges, la magicienne, Szymanowska !... Douze jours de ravissement. Douze jours voués aux plus saintes émotions de la beauté, de la tendresse, de la musique. L’accent de religieuse reconnaissance avec lequel il exalte la visiteuse, dans l’admirable discours improvisé, la veille de son départ, dit assez les profondeurs de la joie où sa présence et son jeu inspiré l’ont fait entrer... 1 2 1. Et c’est alors (17-19 septembre) qu’il écrit l’Elégie. La passion Ta repris. Les jours suivants, la famille s’inquiète ; et c’est la discorde dans la maison (23 septembre). La belle-fille et le fils reprochent aigrement au vieux père de « se complaire à représenter (peu s’en faut qu’ils ne disent : « à jouer ») encore la passion d’un jeune homme ». Le chancelier von Müller, qui reçoit leurs doléances, s’efforce de les apaiser en alléguant le poème à Szymanowska, que Goethe lui a déclamé avec exaltation (# im hôchslen Pathos »). On se rassure un peu, en voyant que la passion pour Ulrike n’est pas exclusive. (Lettre de Müller à Julia v. Eglofîstein, 25 septembre 1823).

J’imagine donc que la visite de Szymanowska, en octobre, a dû être accueillie par toute la famille, avec un sentiment d’allègement.

2. Quelqu’un venait de porter un toast : « ^4u souvenir ». Goethe frappe sur la table et dit : (je résume librement).

— « Je ne veux pas de ce mot. Se souvenir paraît signifier qu’on a oublié, et que ce qui vous a quitté vous revient du dehors. Quand il s’agit de quelque chose d’aussi grand, d’aussi beau, il ne nous quitte pas, il reste un avec nous, il nouiril en nous un moi nouveau et meil~