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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/120

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BEETHOVEN

nul ne lui resta, musicalement, plus fidèle. Elle combattit passionnément pour son art, contre les modes nouvelles. — « Sans Mme v. Ertmann, écrit Schindler, la musique pour clavier de Beethoven aurait disparu encore plus tôt du répertoire, à Vienne. Mais la belle femme, à la haute stature, aux fines manières[1], gouvernait, dans le plus noble esprit, le goût de l’élite ; et elle s’opposa à l’envahissement de la nouvelle mode dans la composition et dans le jeu pianistique par Hummel et ses épigones. » Elle apportait à son opposition aux rois du jour « son courage de femme de soldat (Muth dieser Soldatenfrau). Toutes les clameurs de la multitude ne lui en imposaient en rien… Beethoven avait donc double raison de l’honorer comme une prêtresse de l’art, et de la nommer sa Dorothea-Caecilia. »

Elle dut quitter Vienne, en 1820[2], pour suivre son mari, gouverneur militaire, à Milan. Mais elle ne perdit jamais contact avec Beethoven. On la revoit, maintes fois, à Vienne, au cours des années suivantes, jouant avec Schindler en 1824 le trio op. 97, se faisant jouer en 1826 par Schuppanzigh les derniers quatuors, aidant, avec son mari, Beethoven


    exécute mes compositions aussi bien que vous. Les grandes « Pianonisten » non exceptées : elles n’ont que mécanique, ou affectation. Vous êtes la vraie mère adoptive de mes enfants d’esprit. » (Pflegerin meiner Geisteskinder).

    Mais c’est qu’elle lui a fait des avances, qui ont touché le vieux homme isolé ; et il lui fait la cour !

  1. « Eine hohe Gestalt und ein schönes seelenvolles Gesicht », disait d’elle, en 1809, Reichardt.
  2. Cf. Cahiers de conversations, août-septembre 1820. — Wil. Chr. Müller l’entendit encore, à Vienne, en octobre 1820.