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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/121

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

à faire entrer dans un régiment son malheureux neveu. En 1831, après la mort de Beethoven, le jeune Mendelssohn la retrouvera, à Milan, toujours fidèle, les doigts un peu raidis, mais jouant encore d’une façon émouvante, et, lorsque les doigts lui manquent, chantant d’une voix qui vient du cœur. C’est à Mendelssohn qu’elle confia l’histoire intime, aujourd’hui fameuse, mais que sans lui nous eussions ignorée : la mère en deuil de son dernier enfant ; Beethoven l’invitant à venir chez lui, et s’asseyant au piano, en disant : — « Maintenant, nous causerons l’un avec l’autre, en musique. » (Wir werden nun in Tönen miteinander sprechen.) — « Il joua une heure, et, dit la Dorothea-Cæcilia meurtrie, il me dit tout, et il me donna, à la fin, la consolation[1] ».

On voit quels liens sacrés unissaient Beethoven à de tels interprètes, et qu’entre eux et lui la musique était bien plus qu’un jeu de l’art, si haut fût-il : elle était la voix profonde de l’âme, une confidence, une confession, et — par moments — une religieuse révélation.

Ainsi s’explique le ton de vénération religieuse qui animera l’émouvante Adresse, remise en février 1824 à Beethoven par ses admirateurs et disciples de Vienne, parmi lesquels deux des signataires, Carl Czerny et Steiner von Felsburg, étaient de ses interprètes, aux concerts (on pourrait dire, « spirituels » ) de 1818-1820. Il est pour eux, comme dit l’Adresse « le plus haut parmi les vivants », celui « qui porte dans sa poitrine le sentiment du divin dans la

  1. « … Er sagte mir alles und gab mir auch zuletzt den Trost. »