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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/161

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

Ainsi, toute l’atmosphère de la Sonate est condensée dans les jeux d’attraction et de répulsion de deux tonalités, presque de deux notes, — de deux régions de la sensibilité, du subconscient, — d’où le génie fait se dérouler, comme d’une double source les ruisseaux, les mouvements variés et ordonnés de la Comédie en quatre actes, gais ou tristes, que l’âme se joue.

C’est une journée de la vie intérieure. Journée de l’arrièreété. Quarante-cinq ans… Le vol du temps est suspendu. En ces années 1815-1816, l’âme de Beethoven flotte, incertaine, entre le passé et l’avenir, entre la nostalgie et l’espoir… Je le vois, dans son cher Brühl, au milieu des champs… « Brühl beh Lamm… » Il rêve de revoir son beau pays d’enfance, les rives du Rhin… « Wie schön, meine vaterländischen Gegenden zu sehen… » Il rêve de ses projets de voyage en Angleterre… « nach England zu reisen… » et, au retour, de s’établir dans un village… « Leicht bel einem Bauern eine Wohnung gemietet… » Une maison de paysan… « Ô doux silence de la forêt !… » (Süsse Stille des Waldes !…) Il rêve peut-être aux amitiés passées, peut-être à la « ferne Geliebte », dont l’image va ressurgir et l’enlacer… Mais pourquoi le bonheur ne reviendrait-il pas ?… « Trost des Lebens… »… « Le temps apporte des miracles… » (Die Zeit bringt Wunder an den Tag…)… « Même dans l’épreuve, sois donc toujours de bonne humeur ! » (Sei also stets, im Unfall auch, voll guten Muts !…)[1].


    mineur. — Ailleurs, en intermède, entre le fa majeur et le si bémol de la Marche et du Trio.

  1. Toutes ces citations sont empruntées à Tannée 1815 du manuscrit Fischhoff. — Pour « Trost des Lebens », voir plus haut.