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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/182

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BEETHOVEN

geable, au choix relativement nombreux qu’il a fait de ses poèmes. Encore Boettcher a-t-il relevé que, sur huit textes de Goethe qu’il entreprend, entre 1800 et 1804, six sont restés inachevés. Et après 1810 — (à l’exception de Meeresstille, composée en 1817) — les textes de Goethe sont refoulés. C’est dans la seule époque intermédiaire 1804-1810 — (et l’on pourrait presque dire, dans la seule année 1810) — qu’après avoir écrit quatre versions de la Sehnsucht, Beethoven consacre à Goethe ses op. 75, 83 et 84[1].

Et certes, cela suffît pour immortaliser, à nos yeux, la fraternité des deux génies. Qui de nous ne les associe, dans l’émotion qu’éveille en nous cette merveille de l’art et du cœur : Wonne der Wehmut, ou bien Sehnsucht, Mignon, et les fameux lieder de Clärchen ?

Mais Goethe n’en jugeait pas ainsi, — (sauf pour la musique de scène pour Egmont). Il ne pardonnait pas à Beethoven l’indépendance de ses traductions musicales. De sa Mignon, qui était un lied, Beethoven faisait un air strophique libre, aux strophes élargies et brisées. De cet autre liedchen : « Mit einem gemalten Band », il faisait un air da capo, en trois parties. Et quelle liberté frémissante, (mais insolente, au regard du poète), dans cette immortelle

    lui dédie sa Meeresstille, avec une citation d’Homère : « Alle sterblichen Menschen nehmen die Sänger billig mit Achtung und Ehrfurcht » (Tous les mortels savent accueillir les aèdes avec estime et avec respect).

  1. Sehnsucht parut en 1808. L’op. 75 (Sechs Gesänge) et l’op. 83 (Drei Gesänge) parurent en 1810-1811. L’op. 84 est la musique de scène pour Egmont (exécuté, pour la première fois, en 1810).