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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/181

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

pour Klopstock, pour Schiller et pour Goethe. Or, de Klopstock, de Schiller, pour ne point parler de Shakespeare et d’Homère[1], il a très peu composé. Quant à Goethe, si Beethoven était capable, plus vivement que quiconque, d’en ressentir l’émotion et la beauté, il est pourtant permis de penser que des raisons personnelles, le désir de l’approcher, d’en être apprécié[2], ont eu quelque part, non négli-

  1. Dans le livre d’esquisses de 1815-1816, on trouve une étude prosodique de Beethoven sur un hexamètre d’Homère (cf. Nottebohm, II, p. 321 et suiv.). — Quant à Shakespeare, on sait que son souffle a inspiré plusieurs des compositions instrumentales de Beethoven (l’ouverture de Coriolan, — projet d’un Macbeth, — peut-être l’idée de certaines sonates (la Récitative, op. 53, no 2, et l’Appassionata).

    On a quelquefois mis en doute cette préoccupation des œuvres de Shakespeare dans l’inspiration musicale de Beethoven. À tort, selon moi : car, indépendamment du témoignage de Schindler, qui dit que Beethoven connaissait les œuvres de Shakespeare comme ses propres partitions, — et de la bibliothèque de Beethoven, dont les volumes de Shakespeare dans la traduction d’Eschenburg sont couverts de traits au crayon et de marques de sa lecture passionnée, — Beethoven savait qu’on le rapprochait de Shakespeare, qu’on l’appelait un « Shakespeare musical » ; et son orgueil s’en réjouissait. Dans son journal de 1816 (manuscrit Fischhofï), il recopie avec complaisance cette citation en français : — « Malheureusement les génies médiocres sont condamnés à imiter les défauts des grands maîtres sans en apprécier les beautés ; de là le mal que Michel-Ange fait à la peinture, Shakespeare à l’art dramatique et que Beethoven fait de nos jours à la musique. »

  2. Non seulement à l’époque de Bettina et de la rencontre à Teplitz, qui a mal fini, — mais dix ans plus tard, en 1823, quand ayant cessé de composer des lieder, Beethoven, qui sent le regret d’avoir perdu l’occasion de gagner l’amitié de Gœthe, cherche à se rapprocher de lui, lui écrit pour lui demander « ses observations générales sur la façon de composer ou de mettre en musique ses poèmes » (allgemeine Bemerkung überhaupt über das komponieren oder in Musiksetzen seiner Gedichte),