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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/211

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

dans le langage des mots ? Ou ceux-ci se révèlent-ils à lui, comme décidément insuffisants ? Plus la confession se fait intime, plus il la réserve à la musique pure, où « l’on peut tout dire, car nul ne vous comprend », que les initiés, les cœurs qui s’ignorent et qui retrouvent en elle leur parenté.

Avant de faire comme lui, de dire adieu à ses Confessions vocales, remarquons bien que, de son vivant, ses lieder étaient appelés « Gesänge », et qu’au sens propre, « Gesang » signifiait : « der freie Vortrag der Rede » (la libre récitation de la parole ou du « discours »). Boettcher, à qui nous devons cette observation, très justement attribue au sentiment instinctif que nous avons, en interprétant ou écoutant ces Gesänge, de leur caractère de parole absolument personnelle, la gêne des artistes à introduire ces chants dans leurs programmes de concerts. Ces chants ont beau y apparaître, de loin en loin ; ils n’y sont jamais devenus familiers. Ils écrasent le chanteur et, l’on pourrait presque dire, l’auditeur. Ils ne sont plus de l’art. Quand ils sont bons, ils sont au-dessus de l’art. Quand ils sont mauvais, ils sont au-dessous. Ce n’est, plus de jeu ! Ils rompent le jeu…[1] Beethoven parle. Qui oserait se substituer à lui ?

  1. Dans tout auteur, il y a, plus ou moins, vin acteur. — Point, chez Beethoven. Il ne déguise pas son antipathie pour les acteurs, pour leur vie, pour « dies Rollenspielen im Leben » (cf. journal de Fanny dcl Rio, 1816-1817). Beethoven ne joue jamais un rôle. Tout le contraire de Mozart. D’où la supériorité de celui-ci, au théâtre. Et le théâtre souvent déborde, chez Mozart, dans la musique pure.