du Liederkreis ? C’est le dernier orage de l’arrière-saison… Ah ! que le cœur de Beethoven est jeune, encore !…
Mais ce sont ses adieux à la jeunesse. Les effusions lyriques sont terminées. Brisé, l’élan de ce moi exigeant, qui fait brêche dans l’architecture musicale. Voici le temps de l’« Ertragung », de l’« Ergebung »[1]. Les lieder qui vont suivre, si rares, si brefs, mais moralement et musicalement si importants, Résignation (1817), Abendlied (1820), attestent la révolution qui s’accomplit dans l’âme de Beethoven : révolution par renoncement. Les mots ne sont plus déclamés musicalement. Là même où Beethoven, quelques années plus tôt, eût énergiquement affirmé sa volonté, en des récitatifs impérieux[2], la voix volontairement se soumettra à la ligne générale de la strophe. Le chœur ou l’écriture à plusieurs voix seront employés, plus d’une fois, par Beethoven, dans les rares lieder de ses dernières années[3], comme un moyen de les dépersonnaliser[4]. Il semble que Beethoven renonce définitivement à sa tentative propre dans le lied : la confession personnelle. En a-t-il senti la gêne et l’impudeur,
- ↑ « Supporter » et « accepter ». — Nous avons vu, dans un chapitre précédent, la place que ces deux mots prennent dans le journal intime de Beethoven, en cette année 1816 (Manuscrit Fischhoff).
- ↑ Ainsi, dans ce passage caractéristique du lied : « Résignation » — « Du musst nun los dich binden ».
- ↑ Deux dernières versions de l’Opferlied, 1822 et 1823. — Même pour un lied d’étoffe aussi subjective que Résignation, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, Beethoven a pu songer à employer l’écriture à plusieurs voix.
- ↑ On le voit écrire des Gemeinschaftslieder (des lieder pour des communautés) : — le Bundeslied, le Hochzeitslied, Der Mann von Wort, Des Kriegers Abschied.