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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/327

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

Mais, dès les premières lettres de 1801 à Breitkopf et à Hoffmeister, il précisait ce qui le fascinait, tout particulièrement, en Jean-Sébastien : — c’est à savoir, l’harmonie… « Die hohe grosse Kunst dieses Urvaters der Harmonie… » [1] C’est en effet par quoi Jean-Sébastien est, pour nous, le plus moderne, le plus novateur et le plus rénovant, — beaucoup plus que par sa maîtrise insur passée du contrepoint. Et l’on comprend que Beethoven en ait profité. — Mais par d’autres traits fondamentaux, il devait être pour Beethoven un objet d’admiration et d’envie, un exemple et un modèle permanent : — par tout ce qui lui était commun avec lui, et par tout ce qui l’en séparait.

Il y avait en Beethoven une double nature, opposée et contradictoire : — d’une part, les passions et les sautes de vent d’un tempérament violent, brusque, inégal, mal réglé, effréné ; — de l’autre, un besoin exigeant de logique raisonneuse, parfois guindée, mécanique, où se heurtait, entre des formes trop rigides et peu souples, l’impétuosité du flot musical. Il devait envier, chez Bach, à la fois l’inépuisable jeu de l’invention, et la solidité monumentale de la construction, où se déroulait, d’une main sûre, le divertissement de l’esprit, libre et voulu, sans apparence de contrainte.

Il lui fallait lutter contre une certaine raideur de « pério-

  1. Il précise son jugement, dans l’entretien avec Freudenberg : « Nicht Bach, sondern Meer sollle er heissen, wegen seines unendlichen, unausschôpfbaren Reichtiuums von Tonkombinationen und Harmonien. »

    (Il devrait s’appeler mer, et non ruisseau, à cause de sa richesse infinie, inépuisable, en combinaisons sonores et en harmonies.)