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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/328

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BEETHOVEN

disme », où son cerveau semble emprisonné[1]. Il est comme un géant qui se débat contre les lourdes chaînes de sa logique cérébrale. Et comme on ne peut guère, dans le monde de l’esprit, briser ses chaînes que pour en prendre de nouvelles, — seulement qui soient plus larges, ou, en tout cas, différentes, afin que puissent s’apaiser les meurtrissures causées par les premières, — dans l’effort de Beethoven pour élargir la coupe de sa pensée musicale, pour combler les vides et amortir les martellements de ses césures, il se trouva amené à faire appel au style fugué. Tout bon musicien d’Europe, étant polyphoniste, est tenu d’en faire autant : puisqu’il écrit et pense à plusieurs parties, il doit connaître et pratiquer toutes les règles du jeu. Nous avons vu que Beethoven avait usé du fugato, dès ses premières œuvres[2].

  1. Cf. les analyses de Paul Mies : « Die Bedeutung der Skizzen Beethovens zur Erkenntnis seines Stiles » (1925). Le chapitre : « Die dreimalige Wiederholung » montre la rigidité de certaines formes ternaires (apparentées au style de Phil.-Em. Bach), dont Beethoven sentait lui-même, avec révolte, l’asservissement, et la dure monotonie de coupes de césures régulières, très marquées, que Beethoven s’évertuait à briser.
  2. Sonate, op. 2, no 3 : Scherzo ; — sonate op. 10, no 2 : Presto…, etc. — Beethoven n’avait pu, d’ailleurs, éviter de reporter dans la structure de ses thèmes de fugato et fugues, ainsi que dans l’exposition et les rentrées des voix, cette régularité ternaire mécanique, qu’il combattait. (Cf. Paul Mies : op. cit., p. 100 et suiv. : « Das Fugenthema » ) — Dans les fugues et fugati du dernier temps, la division ternaire est remplacée par une autre, quaternaire (op. 131, quatuor en ut dièze mineur) — mais toujours encline à la même régularité mécanique, — à la différence de J.-S. Bach, qui en use avec beaucoup plus de variété.