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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/342

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BEETHOVEN

beaucoup trop grand artiste, pour ne pas se soucier de la beauté sonore : subordonner, comme il le fait, le « Klangliche » au « Geistige », ne veut pas dire le sacrifier. Et quand une œuvre de lui sonne « dur », il est à craindre que la dureté ne soit le fait de l’exécutant. Halm en donne pour exemple la fugue op. 133, dont tardivement il a découvert, émerveillé, comme elle sonnait « schön und sinnlich ». Il en est de même de la fugue qui termine l’op. 106. Elle est d’un son magnifique. (Gerade prachtvoll ist sein Klang). Aux éxécutants de le sentir et de le communiquer au public !

Le gai jeu contrepointique est plein de finesses harmoniques. Et son esprit et son humour ne sont pas si loin, parfois, de ceux de J.-S. Bach ![1]. Dans l’intervalle, par trouées, au milieu de ces amusements de « monte et descend », le premier motif, le rude élan, se réaffirme par des trilles[2], aussitôt mués en douceur chaude et tendre[3]. Ici règne un admirable équilibre des éléments divers du sentiment, qui, au lieu d’obéir, comme à l’ordinaire chez Beethoven, à l’idée fixe d’une passion unique dans un même sens, se contrebalancent en s’opposant harmonieusement, non par dialectique, mais par jeu. Le comble de l’art est que les contraintes les plus archaïques de la fugue sont transmutées en les pures fleurs du libre sentiment. Tel, ce ravissant cantabile en si mineur[4], d’une émotion si

  1. Voir le premier épisode en sol bémol, mesures 85 et suiv. et sa répétition en la bémol, mesures 130 et suiv.
  2. Mesures 118 et suiv.
  3. Mesures 125, 126 et suiv.
  4. Mesures 150 et suiv.