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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/356

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BEETHOVEN

Quant à ce qui suivra, à l’architecture du reste de la sonate, il n’en est pas question. Ce n’est qu’à partir des semaines où, installé à la campagne, il retrouve, au contact de la terre, ses forces et sa joie de vivre, que cette joie et ces forces s’emparent de l’allegro et lui soufflent leur élan triomphal : les croquis incertains du début s’illuminent ; et des projets banals et désuets de menuet pour le second morceau, de rondo moderato pour le dernier, jaillit d’abord le scherzo, puis le torrent dévalant du motif du dernier morceau. Quant à Yadagio, dont la première idée n’est apparue qu’au seuil de sortie du scherzo, il faut y voir une liquidation du douloureux état de corps et de pensée — « drangvollen Umständen » — d’où la sonate était issue et dont sa mission secrète fut de libérer l’esprit : entre les élans nouveaux de joie et de vaillance, l’âme procède à un long examen de comptes avec soi et avec son Dieu ; elle le fait dans un sens de compréhension et d’acceptation mélancolique, mais virile, sans révolte, profondément religieuse. Le grand débat accompli et scellé du « Fiat voluntas ! », l’esprit peut se livrer au jeu allègre et torrentiel de la fin. Mais ce n’est en somme qu’au printemps 1819, quand tout est terminé, que le créateur découvre pleinement la nécessité qui lie les deux derniers morceaux aux premiers, — bien que son subconscient portât, inscrite en lui, cette nécessité, et qu’elle lui fût apparue, par éclairs, dès le printemps 1818, où il indiquait, avec l’obscure clarté d’un voyant somnambule, ou bien d’une pythie sous le souffle ardent du dieu, les linéaments de l’œuvre qui allait suivre, y compris le mystérieux largo qui relie l’adagio à la fugue.